Le glyphosate et ses formulations commerciales présentent un effet cancérogène dose-dépendant significatif sur une large étude sur 1 020 rats, menée par l’Institut Ramazzini. Exposés à l’herbicide, les rongeurs ont développé des leucémies et des tumeurs bénignes et malignes sur plusieurs sites anatomiques, à une incidence bien plus élevée que dans le groupe témoin et les contrôles historiques.
Les chercheurs ont également mis en évidence un âge précoce pour la survenue des tumeurs et des décès pour plusieurs néoplasies (leucémie, foie, ovaire et système nerveux). Ces résultats, publiés dans Environmental Health, viennent conforter la conclusion du Centre international de recherche sur le cancer (Circ) qui avait classé le glyphosate comme cancérogène probable pour l’homme (2A).
Dès l’âge gestationnel de six jours (in utero) et jusqu’à 104 semaines de vie, les rats du bras expérimental ont été exposés à trois doses de glyphosate, de Roundup ou de RangerPro (utilisé aux États-Unis) : la dose acceptable journalière (ADI – norme européenne), soit 0,5 mg/kg/jour ; la dose sans observation d’effets indésirables (NOAEL – norme européenne), soit 50 mg/kg/jour, et une dose intermédiaire de 5/mg/kg/jour.
Des leucémies et des décès précoces
Une augmentation significative de l’incidence dose-dépendante de leucémie lymphoblastique a été relevée chez les mâles exposés au glyphosate pur et de leucémie monocytaire pour les femelles. Alors que l’incidence était significativement élevée dans tous les groupes d’animaux traités, aucun cas n’a été observé dans le bras témoin et, pour les 1 600 témoins historiques, aucun décès n’est survenu avant un an de vie (équivalent à moins de 35-40 ans chez l’humain) contre 40 % de mortalité précoce dans le bras expérimental.
L’âge moyen de déclenchement des leucémies était dose-dépendant : 97 semaines à 0,5 mg/kg/jour, 68 semaines à 5 mg/kg/jour et 62 semaines à 50 mg/kg/jour. Les auteurs supposent un lien avec l’exposition prénatale à l’herbicide.
Les auteurs mettent en regard leurs résultats sur la leucémie à l’augmentation de 35 % des leucémies pédiatriques pour lesquelles des études épidémiologiques suggèrent une association avec l’exposition maternelle aux pesticides.
Le glyphosate seul est suffisant pour induire la majorité des tumeurs
La liste des sites anatomiques où les tumeurs solides se sont développées dans le groupe traité est particulièrement longue : peau, foie, thyroïde, système nerveux, ovaires, glandes mammaires, glandes surrénales, reins, vessie, os, pancréas, vésicule biliaire et système circulatoire. Là aussi, plusieurs de ces cancers étaient associés à un décès précoce.
Aucun cas de cancer de la peau n’a été observé dans les deux groupes contrôle, concomitant et historique. Les chercheurs soulignent que chez les travailleurs agricoles, la peau consiste en une zone d’exposition élevée. Des études épidémiologiques en Italie et au Brésil avaient montré un surrisque de mélanome lié à l’exposition aux herbicides.
Les tumeurs des glandes surrénales avaient une incidence plus élevée seulement chez les rats exposés aux formulations commerciales et non au glyphosate pur : cela indique que d’autres composés présents dans ces produits ont un effet potentialisateur du glyphosate ou un mécanisme d’action cancérogène propre.
Des preuves robustes rebattent les cartes
Certes, les rats de laboratoire utilisés dans l’étude, des Sprague-Dawley, communément utilisés dans les études toxicologiques, ont une tendance naturelle à déclarer des cancers. Mais les sites anatomiques concernés dans les groupes exposés à l’herbicide ne correspondent pas à l’incidence historique dans cette espèce (moins d’un pour cent). Cela pointe bien un effet spécifique du glyphosate sur la cancérogenèse.
La décision de 2015 du Circ de classer l’herbicide comme carcinogène probable chez l’humain a été critiquée. Dans ce contexte de controverses, en 2016 et en 2019 l’Anses s’était emparée du sujet. Ses analyses concluaient à un niveau de preuve trop limité pour classer le glyphosate en catégorie 1A ou 1B (cancérogène avéré ou présumé pour l’humain) et les experts ne se prononçaient pas sur une classification en catégorie 2 (substances suspectées d’être cancérogènes pour l’humain).
Dans son évaluation de 2022, l’Agence européenne des produits chimiques (Echa) estimait elle aussi que les preuves scientifiques disponibles n’étaient pas suffisantes pour classer le glyphosate comme cancérogène. En 2023, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) aboutissait au même constat, ne considérant pas l’impact du composé sur la santé humaine comme un « domaine de préoccupation critique ».
Dans cette étude, le grand nombre de rats confère une puissance statistique importante à l’étude et renforce la fiabilité des résultats qui, même s’ils ne sont pas directement extrapolables à l’humain, devraient nourrir les prochaines évaluations des autorités de santé.
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