Cardiologie interventionnelle

Le TAVI s’impose dans la vraie vie

Publié le 03/04/2015
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Le récent congrès de l’ACC en témoigne, la roue tourne en cardiologie. Avec, cette année, peu de choses sur les stents, mais plusieurs études portant sur les endoprothèses valvulaires percutanées (TAVI) qui confirment leurs bons résultats à long terme. Une édition également marquée par le retour des avancées pharmacologiques avec de nouvelles molécules qui poursuivent leur percée en particulier dans l'hypercholestérolémie et l'insuffisance cardiaque.

Crédit photo : Edwards lifesciences

Le 16 avril 2002, le Pr Alain Cribier et son équipe réalisaient à Rouen la première implantation de valves aortiques par voie percutanée (ou TAVI). Tout juste treize ans plus tard, de nouvelles données présentées au congrès de l’American College of Cardiology (San Diego, 14-16 mars 2015) confortent l’intérêt et la bonne tolérance de la méthode dans la vraie vie.

Des bénéfices qui se maintiennent dans le temps

Les résultats du TAVI à 5 ans avec la valve d'Edwards et à 2 ans avec celle de Medtronic confirment en effet sa non-infériorité par rapport à la chirurgie et fournissent des données tout à fait rassurantes sur leur durabilité. Parallèlement, les améliorations matérielles et techniques réduisent notablement le taux de complications, laissant entrevoir un glissement vers un élargissement des indications aux patients à moindre risque.

Dans le programme PARTNER 1, débuté en 2007 avec la valve Sapien® de la société Edwards, la mortalité globale à 5 ans reste inférieure après TAVI par rapport au traitement médical seul chez les patients inopérables (71,8 % vs 93.6 %, p<0,0001) et identique à la chirurgie chez les sujets à haut risque (67.8 % vs 62,4 %, p=0,76). On ne constate pas non plus de différence sur la mortalité cardio-vasculaire, ni les AVC. Le bénéfice hémodynamique se maintient aussi avec 86 % des patients en classe I ou II de la NYHA vs 60 % pour la chirurgie. Si les complications principales sont les fuites paravalvulaires – dont on connaît l'impact sur la mortalité –, il est particulièrement encourageant de ne constater aucune altération de la valve après 5 ans.

Les résultats de l'étude CoreValve (Medtronic) vont dans le même sens. La supériorité du TAVI sur la chirurgie en terme de mortalité globale observée à un an persiste à deux ans chez les patients à haut risque et tend même à s'accentuer.

Les autres paramètres sont très favorables : les fuites sont peu nombreuses, la différence de 5,7 % sur les accidents vasculaires cérébraux est en faveur du TAVI, bien que sans incidence sur les AVC majeurs, et l'amélioration hémodynamique se maintient.

Une nouvelle génération de valves

Le programme Partner I avait été mené avec des valves de première génération. aussi les résultats à 30 jours de Partner II, étude non randomisée menée avec la nouvelle valve Sapien 3 chez des patients à risque élevé ou intermédiaire étaient particulièrement attendus. Réalisée chez plus de 1?600 patients dont les 2/3 à risque intermédiaire, cet essai retrouve untaux de complications à 30 jours particulièrement bas : la mortalité est de 2,2 % chez les patients à haut risque et de 1,1 % chez ceux à risque intermédiaire (6,3 % dans Partner 1) et le nombre d'AVC est respectivement de 1,5 et 2.6 %. Le taux de fuites paravalvulaires est lui aussi faible, respectivement de 3 % et 4,2 %.

Cette réduction drastique des fuites aortiques laisse espérer des résultats à long terme encore meilleurs que dans Partner 1. « Les six premiers mois de Partner 1 avaient montré une différence sur la mortalité en faveur du TAVI. Mais la courbe de mortalité rejoignait ensuite celle de la chirurgie, ce qui était peut-être lié aux nombreuses régurgitations valvulaires, explique le Dr Thierry Lefèvre *. On peut penser qu'avec les progrès réalisés depuis par le matériel, la technique et l'expérience des opérateurs, la différence initiale sur la mortalité avec la chirurgie pourrait se maintenir. »

Un « filet » de protection contre les AVC

Le dispositif TriGuard®, filet en nitinol implanté par voie fémorale lors du TAVI (ou d'autres interventions à risque embolique) constitue une autre évolution technique prometteuse. Selon l’étude Deflect III l’utilisation de ce dispositif lors du TAVI permet une diminution du taux d'AVC, y compris des AVC silencieux, ainsi que des micro-embols et pourrait maintenir une meilleure cognition. L'échantillon (83 patients) est trop mince pour tirer des conclusions définitives mais ces résultats ont amené à lancer une étude à plus large échelle. « C'est la première fois qu'est montré un bénéfice clinique avec un tel système », souligne le Dr Thierry Lefèvre.

Vers des indications plus larges ?

Le TAVI n'est toujours recommandé que chez les patients inopérables ou à haut risque, mais les dernières données plaident en faveur de l’élargissement des indications dans le risque intermédiaire. «?Si on individualise les résultats chez les patients à risque intermédiaire dans l’étude CoreValve, leur mortalité est significativement bien inférieure après TAVI (15 % à 2 ans) qu'après chirurgie (26 %), ouvrant la voie au TAVI chez des sujets à moindre risque », souligne le Dr Lefèvre.

Une évolution déjà en marche en France. On constate, en effet, dans le registre France TAVI que si l'âge des patients (82 ans en moyenne) ne se modifie pas, leur Euroscore évaluant le risque opératoire se réduit, puisqu'il est passé de 23-24 %, il y a 3 ans, à 19-20 % en 2014, même si on est encore loin du risque intermédiaire qui se situe plutôt vers 10 %.

D'après un entretien avec le Dr Thierry Lefèvre (hôpital privé Jacques Cartier, Massy).
Dossier réalisé par Maia Bovard-Gouffrant

Source : lequotidiendumedecin.fr