Les généralistes se sont-ils convertis aux anticoagulants oraux directs (AOD) ? Alors que les prescriptions initiales de ces « nouveaux » traitements sont souvent attribuées aux seuls spécialistes et considérées comme des options thérapeutiques davantage subies que choisies par les généralistes, les premières données issues de l’étude Cacao montrent que la réalité est plus nuancée. Et suggèrent que les généralistes initient désormais autant de traitement par AOD que par AVK…
Réalisée à l’initiative de la CIA (CNGE IRMG Association) en partenariat avec le CIC Grenoble, l’étude Cacao (Comparaison des Accidents et de leur Circonstances sous Anticoagulants Oraux) s’est penchée sur la réalité des anticoagulants oraux « dans la vraie vie », explique le Dr Joël Cogneau, directeur scientifique de l’IRMG et membre du comité de pilotage de l’étude. Il s’agit d’une étude descriptive transversale multicentrique nationale menée spécifiquement en médecine générale. Pendant 3 mois, 463 médecins généralistes investigateurs ont inclus tous leurs patients traités par anticoagulant oral venant consulter, quel que soit le motif de consultation, soit 7 154 patients au total. Les données préliminaires obtenues à l’issue de cette première phase de recrutement permettent de mieux cerner le profil de ces patients et le contexte des prescriptions.
Une montée en puissance des prescriptions
Premier constat, si parmi ces patients, la majorité (79,7 %) sont sous AVK, en cas d’initiation récente du traitement anticoagulant (moins de 2 ans), la donne s’inverse avec près de 60 % de patients sous AOD. « Cela témoigne d’une réelle montée en puissance de ces traitements » analyse le Dr Cogneau.
Dans la majorité des cas, le traitement anticoagulant a été initié par un spécialiste. Cependant, 18 % des primoprescriptions d’AOD émanent d’un généraliste, « soit une part non négligeable, presque plus importante que pour les AVK (15,6 %) », souligne le Dr Paul Frappé, du comité de pilotage de l’étude Cacao.
Des patients globalement moins à risque
Concernant le profil des patients, les données recueillies montrent que les patients sous AOD sont globalement plus jeunes que ceux sous AVK, ont une meilleure fonction rénale et un risque hémorragique et thrombotique plus faible. En d’autres termes, il s’agit donc a priori « de patients à moindre risque », résume le Dr Frappé.
Ces malades sont aussi globalement plus autonomes dans la prise du traitement. En revanche, alors que pour les AOD l’absence de contrôle biologique pose la question de l’observance, les patients mis sous ce type de traitement ne sont pas perçus par leurs médecins comme plus observant que les autres.
En l’absence de surveillance biologique, les patients sous AOD sont aussi moins au fait qu’ils suivent un traitement anticoagulant. Ils sont ainsi presque 5 % à ne pas en être conscients « soit 2 fois plus que sous AVK ». Au total, les premières données de l’étude Cacao /phase 1 « permettent donc de mettre le doigt sur des choses qui étaient pressenties mais pour lesquelles on n’avait pas de données chiffrées jusque-là », commente le Dr Frappé.
Les généralistes s’emparent de la pharmacovigilance
« On attend aussi beaucoup de la deuxième phase de cette étude », ajoute le Dr Cogneau. Celle-ci a déjà débuté et prévoit le suivi pendant un an de l’ensemble des patients sous AOD inclus pendant la phase 1 appariés à 2 ?799 patients sous AVK. Avec cette fois-ci un objectif de pharmacovigilance affiché puisque le but sera de comparer dans cette population l’incidence annuelle des événements hémorragiques et thrombotiques entre les patients recevant des AOD et ceux sous AVK.
D’autres analyses ancillaires sont prévues qui permettront de préciser, par exemple, les déterminants influençant le choix d’une molécule anticoagulante plutôt qu’une autre, les éléments conduisant à un changement de classe thérapeutique ou à un arrêt de traitement ou encore les éléments biologiques de surveillance réellement renseignés dans les dossiers des généralistes. « On va aussi essayer de voir s’il est possible d’identifier des critères cliniques permettant d’estimer le risque hémorragique de façon plus simple, comme le “timed up and go test” qui évalue la mobilité des patients et pourrait être un bon reflet du risque hémorragique », indique le Dr Frappé. À suivre donc
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