Cette cinquième édition loin des polémiques du passé dresse un état des lieux apaisé de la communauté psychiatrique. Entre recherche génétique et avancée en imagerie, la clinique demeure la priorité. Démonstration avec Marc-Antoine Crocq.
Décision Santé - Le Pharmacien Hôpital. Le DSM-5 suscite-t-il encore des débats dans la communauté psychiatrique ?
Marc-Antoine Crocq. Les débats se sont apaisés, même si une polémique persiste. Dans le milieu psychiatrique, un consensus existe pour reconnaître la nécessité d’un manuel précisant les critères de diagnostic. Simplement, cette description ne doit pas être prise à la lettre. Un malade n’a pas à se comporter au profil type tel qu’il est défini dans le DSM-5. On est loin des controverses qui avaient accompagné la publication du DSM-III, véritable rupture avec le modèle dominant de l’époque en psychiatrie, à savoir la psychanalyse. Pour autant, chaque nouvelle édition du DSM n’oriente pas la psychiatrie. Elle est plutôt le reflet de l’évolution de la discipline. On est loin de la théorie du complot où un groupe limité d’individus auraient pris le pouvoir au sein du comité de rédaction du DSM.
D.S-P.H. On a accusé le DSM d’inventer de nouvelles maladies sans réel substrat pathologique.
M.-A. C. Il y a un risque de mésusage du DSM. Chaque nouvelle édition inclut de nouvelles maladies. Elles ne sont pas inventées mais sont l’expression des plaintes de patients. L’inflation de diagnostic s’explique aussi par l’organisation du système de santé outre-Atlantique. La prise en charge des soins exige l’établissement d’un diagnostic. Ce qui explique pourquoi on retrouve dans le DSM des codes pour des troubles mentaux organiques comme les troubles bipolaires, la schizophrénie mais aussi pour des symptômes anxieux, dépressifs réactionnels qui s’inscrivent dans un continuum avec le normal.
D.S.-P.H. Ce qui est souvent dénoncé en France comme une psychiatrisation du normal.
M.-A. C. Ces patients consultent également en France des médecins généralistes, des psychiatres libéraux, des psychothérapeutes. Ils éprouvent du fait de leur vulnérabilité personnelle des difficultés à gérer des contraintes de la vie normale. Le risque de surdiagnostic est réel comme celui de poser un seuil entre le normal et le pathologique. Mais il existait aussi à l’époque de la toute puissance de la psychanalyse où chacun était suspecté d’être névrosé. En revanche, le DSM ne comprend pas de maladies imaginaires qui auraient été inventées pour d’obscures raisons.
D.S.-P.H. L’influence de l’industrie pharmaceutique a pourtant été reconnue dans la rédaction des éditions précédentes.
M.-A. C. Ce fait est toujours discuté par les historiens de la psychiatrie. On note des influences réciproques entre les modes diagnostiques et les traitements. Dans le DSM-III, la création d’une catégorie comme les dépressions majeures a fait l’objet de vives critiques. Elle était contemporaine de la mise sur le marché d’une nouvelle classe d’antidépresseurs, les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine qui se révélaient efficace sur ces pathologies, mais aussi sur les troubles anxieux. Toujours à l’époque du DSM-III, un lien avait été établi entre les attaques de panique et la mise sur le marché d’un nouvel anxiolytique, le Xanax® découvert par le laboratoire Upjohn. On sait aujourd’hui que ce médicament n’est pas le plus efficace. De plus, il est potentiellement addictif. Pour autant, ces symptômes ne sont pas inventés ex nihilo. On peut les recenser chez les psychiatres français dès les années 1900. Les conflits d’intérêt ne se réduisent pas à des échanges financiers. Certains psychiatres ont établi leur carrière sur l’invention d’un concept. On peut citer celui de personnalité narcissique décrit dans le DSM-IV. Il ne devait pas être repris dans le DSM-5. Or, il est toujours présent, la faute à certains lobbies, alors qu’il n’existe ici pas de traitement pharmacologique. Dans le DSM-5, c’est le concept de troubles disruptifs avec dysrégulation émotionnelle observé chez l’enfant qui soulève la polémique.
D.S-P.H. Pourquoi ne dispose-t-on pas d’un équivalent européen au DSM ?
M.-A. C. Deux systèmes de classification sont utilisés au quotidien. Le DSM est américain, mais son audience est internationale depuis le DSM-III. L’alternative est la classification internationale des maladies (CIM) créée par l’OMS dont la onzième édition est en préparation. Les ressources disponibles sont très différentes entre ces deux références. Des moyens très importants ont été mobilisés pour le DSM. La genèse de la cinquième édition s’est prolongée sur une dizaine d’années avec une grande transparence. Les budgets affectés par l’OMS ne relèvent pas du même niveau. La mauvaise idée serait de s’atteler à une classification française ou européenne. La science est internationale et n’est pas différente selon les pays. Une communication internationale est une richesse. L’instauration de barrières internationales ou linguistiques signifierait un retour en arrière.
DSM-5, manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, coordination générale de la traduction française, Marc-Antoine Crocq et Julien Daniel Guelfi, Elsevier Masson, 1 114 pp.
Décision Santé - Le Pharmacien Hôpital. Le DSM-5 suscite-t-il encore des débats dans la communauté psychiatrique ?
Marc-Antoine Crocq. Les débats se sont apaisés, même si une polémique persiste. Dans le milieu psychiatrique, un consensus existe pour reconnaître la nécessité d’un manuel précisant les critères de diagnostic. Simplement, cette description ne doit pas être prise à la lettre. Un malade n’a pas à se comporter au profil type tel qu’il est défini dans le DSM-5. On est loin des controverses qui avaient accompagné la publication du DSM-III, véritable rupture avec le modèle dominant de l’époque en psychiatrie, à savoir la psychanalyse. Pour autant, chaque nouvelle édition du DSM n’oriente pas la psychiatrie. Elle est plutôt le reflet de l’évolution de la discipline. On est loin de la théorie du complot où un groupe limité d’individus auraient pris le pouvoir au sein du comité de rédaction du DSM.
D.S-P.H. On a accusé le DSM d’inventer de nouvelles maladies sans réel substrat pathologique.
M.-A. C. Il y a un risque de mésusage du DSM. Chaque nouvelle édition inclut de nouvelles maladies. Elles ne sont pas inventées mais sont l’expression des plaintes de patients. L’inflation de diagnostic s’explique aussi par l’organisation du système de santé outre-Atlantique. La prise en charge des soins exige l’établissement d’un diagnostic. Ce qui explique pourquoi on retrouve dans le DSM des codes pour des troubles mentaux organiques comme les troubles bipolaires, la schizophrénie mais aussi pour des symptômes anxieux, dépressifs réactionnels qui s’inscrivent dans un continuum avec le normal.
D.S.-P.H. Ce qui est souvent dénoncé en France comme une psychiatrisation du normal.
M.-A. C. Ces patients consultent également en France des médecins généralistes, des psychiatres libéraux, des psychothérapeutes. Ils éprouvent du fait de leur vulnérabilité personnelle des difficultés à gérer des contraintes de la vie normale. Le risque de surdiagnostic est réel comme celui de poser un seuil entre le normal et le pathologique. Mais il existait aussi à l’époque de la toute puissance de la psychanalyse où chacun était suspecté d’être névrosé. En revanche, le DSM ne comprend pas de maladies imaginaires qui auraient été inventées pour d’obscures raisons.
D.S.-P.H. L’influence de l’industrie pharmaceutique a pourtant été reconnue dans la rédaction des éditions précédentes.
M.-A. C. Ce fait est toujours discuté par les historiens de la psychiatrie. On note des influences réciproques entre les modes diagnostiques et les traitements. Dans le DSM-III, la création d’une catégorie comme les dépressions majeures a fait l’objet de vives critiques. Elle était contemporaine de la mise sur le marché d’une nouvelle classe d’antidépresseurs, les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine qui se révélaient efficace sur ces pathologies, mais aussi sur les troubles anxieux. Toujours à l’époque du DSM-III, un lien avait été établi entre les attaques de panique et la mise sur le marché d’un nouvel anxiolytique, le Xanax® découvert par le laboratoire Upjohn. On sait aujourd’hui que ce médicament n’est pas le plus efficace. De plus, il est potentiellement addictif. Pour autant, ces symptômes ne sont pas inventés ex nihilo. On peut les recenser chez les psychiatres français dès les années 1900. Les conflits d’intérêt ne se réduisent pas à des échanges financiers. Certains psychiatres ont établi leur carrière sur l’invention d’un concept. On peut citer celui de personnalité narcissique décrit dans le DSM-IV. Il ne devait pas être repris dans le DSM-5. Or, il est toujours présent, la faute à certains lobbies, alors qu’il n’existe ici pas de traitement pharmacologique. Dans le DSM-5, c’est le concept de troubles disruptifs avec dysrégulation émotionnelle observé chez l’enfant qui soulève la polémique.
D.S-P.H. Pourquoi ne dispose-t-on pas d’un équivalent européen au DSM ?
M.-A. C. Deux systèmes de classification sont utilisés au quotidien. Le DSM est américain, mais son audience est internationale depuis le DSM-III. L’alternative est la classification internationale des maladies (CIM) créée par l’OMS dont la onzième édition est en préparation. Les ressources disponibles sont très différentes entre ces deux références. Des moyens très importants ont été mobilisés pour le DSM. La genèse de la cinquième édition s’est prolongée sur une dizaine d’années avec une grande transparence. Les budgets affectés par l’OMS ne relèvent pas du même niveau. La mauvaise idée serait de s’atteler à une classification française ou européenne. La science est internationale et n’est pas différente selon les pays. Une communication internationale est une richesse. L’instauration de barrières internationales ou linguistiques signifierait un retour en arrière.
DSM-5, manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, coordination générale de la traduction française, Marc-Antoine Crocq et Julien Daniel Guelfi, Elsevier Masson, 1 114 pp.
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