Il n'est pas facile d'appréhender le diabète. On dit bien que pour bien combattre un mal, il faut bien le définir. Et là, on fait très fort.
Pour des raisons historiques d'absence de connaissances, ce fut une maladie symptôme ; ça voulait dire que tu fais trop pipi de quelque chose, et que ça avait un goût. Si c'est de l'eau qui n'a pas de goût, on parle de diabète insipide. Si c'est du sucre, on parle de diabète sucré ; mais on peut éliminer bien d'autres substances pour lesquelles on parle aussi de diabète. Aujourd'hui, on fait l'économie de mots et d'amélioration des connaissances, on parle toujours de « diabète » car le diabète sucré est le plus fréquent et de très loin.
Mais il y a pire, car il existe plusieurs sortes de diabète sucré. Quand la thyroïde, pour prendre cet exemple, fonctionne de trop, on parle d'hyperthyroïdie ; quand elle ne fonctionne pas assez, on parle d'hypothyroïdie. Le diabète est une maladie du pancréas ; quand il fonctionne de trop, on parle de diabète, quand il ne fonctionne plus, on parle aussi de diabète. C'est un peu comme si tu allais chez le médecin parce que tu tousses, et qu'il te répondait : « Ce que tu as comme maladie, c'est de la toux », que tu aies une trachéite, une bronchite, une pneumonie, une pleurésie, etc. ; pas très satisfaisant, non ! Malgré l'amélioration des connaissances .
Une maladie, c'était un voleur de santé. Est-ce qu'on attendrait qu'un voleur vole pendant 20 ans qu'il devienne dangereux, par exemple en tuant, pour agir ? Et bien, c'est ce qu'on fait avec le diabète ; mais pas seulement. On attend qu'il devienne dangereux, qu'il s’apprête à tuer, à coûter cher à la société pour s'occuper correctement de lui.
Des noms plus précis pour cette maladie pourraient être hypo- ou a-insulinisme, et hyperinsulinisme. Pour cela, il faudrait doser l'insuline dans le sang. C'est bien ce qu'on fait pour dénommer l'hypo ou l'hyperthyroïdie , et pour toutes les autres maladies endocrines . Et puis, le nom de pancréas ne se prête pas beaucoup à un nom de maladie, il faut le constater. Car quand l'organisme manque d'insuline, la glycémie monte, et c'est très dangereux à court terme, aussi, on fait des injections d'insuline. Tu vas penser que quand le pancréas fonctionne de trop, il devrait y avoir l'inverse, donc la glycémie devrait baisser ; c'est vrai dans de rare cas, mais dans la grande majorité des cas, l'organisme fabrique une insuline inefficace, c'est donc comme s’il n'y en avait pas ; il y a un certain équilibre jusqu'au moment où le pancréas est épuisé, il en fabrique toujours trop, mais moins, c'est comme s’il n'y en avait plus assez, la glycémie augmente.
Il y a deux choses dangereuses dans cette maladie, l'hyperinsulinisme que le patient ne voit pas, et l'hyperglycémie qui se manifeste pour le patient, car c'est quand cette dernière est importante que le patient se rend compte qu'il est malade, c'est à ce moment que la dangerosité jusqu'à te tuer de cette maladie commence à devenir évidente, parce que cette maladie agissait contre toi souvent déjà depuis 20 ans. Au bout de 20 ans de dégâts sournois, cela devient visible, alors ce n'est plus acceptable pour la société . C'est comme si la société acceptait sans réagir vis-à-vis des voleurs ou autres tant qu'ils ne tuent pas. Alors, on demande aux médecins de dépister les candidats aux complications, donc ceux qui possèdent une arme dangereuse, ceux qui ont une glycémie trop élevée. Les autorités de la sécurité (sociale) remplissent des fiches D pour diabète, pour surveiller ces candidats à l'auto-destruction.
Une maladie de société
Car le diabète est une maladie particulière ; certes, il existe une prédisposition, mais surtout, c'est une maladie de société, liée en grande partie à la malbouffe et à l'absence d'activité. Pendant sa longue première phase non visible hormis un excès de poids, elle doit pas mal rapporter à la sacro-sainte croissance économique, alors, pourquoi lutter contre elle ? Il y a un autre terme moins courant pour cette maladie, celui d'intolérance au glucose, terme mieux descriptif, car ce n'est pas parce qu'on mange trop de sucre qu'on devient diabétique, c'est parce qu'on est trop gros, c'est parce que l'organisme à besoin de plus d'insuline pour un résultat identique, c'est parce que, à la longue, lorsque l'on mange plus de sucre que l'organisme ne peut en absorber avec l'insuline de mauvaise qualité qu'il produit, que la maladie commence à se montrer avec un excès de sucre dans les urines.
Pour combattre contre le diabète, il faut avant tout maigrir. Une alimentation normale, c'est 55 % de sucre, et quand on fait le calcul de ce que les gens mangent, on en est souvent bien loin en % et en quantité. Mais en graisse ! j'avais l'habitude de dire aux gens que s'ils avaient trop de graisse sur le ventre, c'est qu'ils avaient mangé trop de graisse. Mais le langage permet de tromper le consommateur. Un diabétique ne doit pas manger de gâteaux, car c'est une « sucrerie » ; moi, j'appelais cela une « grasserie ». Quand on fait des aliments pour diabétique, on diminue la quantité de sucre que l'on affiche en grand sur l'étiquette, mais pour donner du goût, on rajoute des graisses, ce qui a comme résultat d'augmenter le nombre de calories. Conséquence d'une mauvaise définition et description, donc de compréhension de la maladie.
Il y a encore un constat très curieux pour cette maladie. On la traite avec des sulfamides dont le rôle est d'augmenter la sécrétion d'insuline qui est déjà trop importante. Certes, sans dosage, il est difficile de savoir si la sécrétion provoquée est de meilleure qualité. Ne risque donc pas en fait d'aggraver les dégâts liés à l'hyperinsulinisme, en masquant plus longtemps l'hyperglycémie ?
Une grande et vieille étude montrait que la metformine améliorait le pronostic, mais que la coprescription avec un autre anti-diabétique – à l'époque, il n'y avait pratiquement que des sulfamides - augmentait la mortalité ; cela semble logique. J'en ai parlé un jour à l'un des pontes de la diabétologie française qui était venu faire une conférence. Il m'a répondu que dans cette étude, il devait y avoir des biais statistiques inconnus, et que donc, il ne fallait pas tenir compte du résultat défavorable.
À quand une prise en charge correcte de ce problème de société ?
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