La prise en charge des symptômes persistants après un Covid reste un enjeu majeur, alors que Santé publique France évalue la prévalence du Covid long chez les adultes entre 1,2 et 4 % selon la sévérité. Fatigue, myalgies et altération des fonctions cognitives comptent parmi les symptômes les plus fréquemment rapportés sur les plus de 200 répertoriés. Plusieurs interventions sont développées pour soulager les patients. Une revue systématique fait le point sur leur efficacité.
Publiée dans le BMJ, cette analyse a examiné les données de 24 essais portant sur 3 695 patients : quatre ont étudié des interventions médicamenteuses, huit l'activité physique adaptée (APA) ou la réadaptation, trois les thérapies cognitives et comportementales (TCC), quatre les interventions diététiques, quatre encore les dispositifs médicaux et un dernier une combinaison d’APA et de réadaptation en santé mentale.
Alors que de nombreux financements ont été débloqués, et notamment plus d’un milliard de dollars aux États-Unis, et après 4 ans de recherches, « seules 24 études ont été jugées de qualité suffisante pour être retenues dans cette revue systématique », relève auprès du Quotidien le Pr Cédric Lemogne, chef du service de psychiatrie de l'adulte à l’hôpital Hôtel-Dieu (AP-HP). « Ce n’est pas à la hauteur de l’enjeu », juge celui qui participe au « circuit Casper » (Circuit Ambulatoire de prise en charge des patients ayant des Symptômes PERsistants).
Des patients répondeurs, d’autres non
Selon la revue systématique, un niveau de preuve « modéré » soutient l'efficacité des TCC, de l’APA et des approches combinées pour améliorer les symptômes du Covid long, réduire la fatigue et améliorer la concentration. « L’amélioration des patients peut être substantielle, mais la taille moyenne de l’effet est modeste », remarque le Pr Lemogne. Ce résultat renvoie à l’hétérogénéité clinique des cas de Covid long. « L’expérience clinique montre que certains patients bénéficient plus que d’autres de ces interventions », résume-t-il.
Aucune donnée n’étaye en revanche l'efficacité d'autres interventions, qu’elles soient médicamenteuses (vortioxétine, léronlimab), alimentaires (pré- et probiotiques, coenzyme Q10) ou autres (rééducation de l’amygdale et de l’insula, stimulation transcrânienne à courant continu, oxygénothérapie hyperbare). « Les essais médicamenteux inclus sont suffisamment bien menés pour qu’on puisse conclure que les traitements évalués ne sont pas utiles. C’est important d’avoir ces résultats négatifs, alors que les patients sont parfois exposés à des médicaments ciblant les mécanismes supposés du Covid long (inflammation, coagulopathie, persistance virale…) sans preuve de leur efficacité », souligne le psychiatre.
Si les études sur les TCC ou l’APA comportent plusieurs limites, comme l’impossibilité d’essais en double aveugle ou un déséquilibre d’attention médicale entre le groupe intervention et le groupe contrôle, cette revue systématique offre des « perspectives très précieuses pour la pratique clinique » en suggérant qu’il est « raisonnable » de proposer des TCC et de l’APA, estime le Dr Daniel Munblit, pédiatre au King’s College de Londres et membre du groupe de travail de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sur le Covid long.
Hétérogénéité des cas de Covid long
Il reste désormais à comprendre pourquoi certains patients sont répondeurs à ces approches et d’autres non. Pour le Pr Lemogne, qui participe à une étude en cours sur les TCC et l’APA dans le Covid long, l’hétérogénéité de la réponse aux traitements pourrait relever de la grande variabilité des situations : depuis les conséquences d’une forme sévère de Covid ayant nécessité une hospitalisation jusqu’aux suites d’une forme légère ou modérée avec des « symptômes invalidants sans anomalies aux examens physiques ou biologiques ». La réponse pourrait aussi être dépendante du niveau d’engagement des patients. « Les TCC comme l’APA nécessitent une adhésion des patients à l’une des hypothèses proposées : un déconditionnement physique, secondaire aux troubles, qui entretient les symptômes ; ou des mécanismes cognitifs et comportementaux qui eux aussi entretiennent les symptômes indépendamment de leur cause initiale », analyse-t-il.
Le Dr Munblit appuie cette deuxième hypothèse. L’étude souligne selon lui l’importance de « répondre aux préoccupations et au scepticisme des patients », en particulier sur l’idée « fausse » selon laquelle leur efficacité implique une base « purement psychologique ». « Une communication ouverte et l’éducation des patients sont absolument essentielles pour garantir l’acceptation et l’observance des traitements », plaide-t-il auprès de l’agence britannique Science Media Centre.
Face au Covid long, « nous n'avons pas encore de solution miracle », ajoute la Dr Janet Scott, spécialiste des maladies infectieuses au Centre de recherche sur les virus de l'université de Glasgow, également interrogée par le Science Media Center. Les patients « ont besoin d'une approche holistique et individualisée comprenant une évaluation médicale complète », poursuit-elle. Certains patients bénéficient de traitements établis pour leurs symptômes « qui n’apparaîtront pas dans les essais précisément parce qu’ils font déjà partie des soins médicaux standards », indique-t-elle. Si les plus de 200 essais en cours sur le Covid long laissent espérer de nouvelles pistes de prise en charge, « la communauté scientifique doit réorienter son attention vers des études interventionnelles qui peuvent directement éclairer les soins aux patients », conclut-elle.
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