LE QUOTIDIEN : À quels besoins le projet Master Trial vient-il répondre ?
Pr JEAN-CHRISTOPHE CORVOL : La prévalence de la maladie de Parkinson, comme d’autres maladies neurodégénératives, ne fait qu’augmenter du fait du vieillissement de la population et devrait doubler d’ici à 2050. Ce sont près de 11 millions de personnes dans le monde qui en sont atteintes, dont plus de 270 000 en France. Aujourd’hui, les seuls traitements disponibles se limitent à soulager les symptômes, ainsi, sans prétendre guérir la maladie, nous souhaitons en trouver de nouveaux pour ralentir son évolution. Il y a donc urgence à accélérer l’identification de traitements neuroprotecteurs qui en seront capables.
Le projet Master Trial est né du succès de l’essai Lixipark – une preuve de concept du repositionnement du lixisénatide, un analogue du GLP-1, dans la maladie de Parkinson – et de celui du développement des essais plateformes. Ces derniers ont particulièrement fleuri en oncologie depuis quelques années et ont été mis en exergue durant la période Covid. Ils permettent de tester plusieurs candidats médicaments en même temps dans un seul essai thérapeutique avec un seul bras contrôle. C’est un type d’essai qui permet de réduire les coûts et les délais en accélérant la démonstration de l’effet ou, au contraire, en arrêtant le développement d’un médicament qui n’en montre pas.
Pourriez-vous présenter les premiers éléments méthodologiques du projet ?
Il y aura au total quelques centaines de patients, hommes et femmes adultes, en début de maladie. Nous débuterons avec trois bras : deux traitements et un contrôle, et cela évoluera dans le temps. C’est un protocole flexible qui comprendra des analyses intermédiaires permettant d’intégrer ou d’écarter rapidement des molécules selon leur efficacité. D’ici à ce que nous finalisions le protocole, l’étude débutera courant 2026 et se déroulera durant 4 à 5 ans pour nos premiers bras de traitement avec un suivi sur une période d’au moins 18 mois pour chaque bras ; l’essai, lui, courra sur une dizaine d’années selon le nombre de bras que nous rajouterons.
Le projet s’inscrit dans un consortium international avec plusieurs essais plateformes
France Parkinson est partenaire de ce projet et pilote un groupe consultatif. Des personnes partenaires avec une maladie de Parkinson interviennent déjà dans tous les groupes de travail de mise en place de l’étude pour donner leur avis et partager leur vécu, leurs besoins et leurs attentes. C’est un aspect participatif qui est très intéressant à la fois pour les investigateurs, mais aussi pour les patients partenaires, c’est relativement novateur en France.
Le projet sera aussi porté par l’AP-HP, le réseau de recherche clinique sur la maladie de Parkinson (réseau NS-PARK labellisé F-CRIN), le CHU de Toulouse et de grands acteurs nationaux et internationaux. Les centres experts y prendront part tout comme des centres hospitaliers généraux sélectionnés par le réseau NS-Park.
De surcroît, le projet s’inscrit dans un consortium international (Grande-Bretagne, États-Unis, Norvège, Australie) avec plusieurs essais plateformes en cours ou à venir : un essai américain s’intéressant à la maladie au stade prodromal, un essai anglais de phase 3, ou encore un essai norvégien pour démontrer l’engagement de cible de médicaments candidats sur base de biomarqueurs. Nos homologues et nous-mêmes sommes dans une démarche collaborative et synergique et nous souhaitons que les plateformes de chacun puissent être exploitées pour aboutir à des traitements ; nous travaillons ensemble pour la sélection et la priorisation des candidats médicaments les plus prometteurs. Nous sommes également à la recherche d’autres financements pour chaque bras de comparaison, le financement obtenu de la part des pouvoirs publics et du réseau F-CRIN nous ayant permis de financer l’infrastructure à hauteur de 2,5 millions d’euros.
Nous envisageons d’utiliser l’intelligence artificielle pour nous aider à identifier des médicaments candidats prometteurs et originaux
Quelles sont les pistes les plus prometteuses, actuellement, dans la maladie de Parkinson ?
Les traitements que nous souhaitons évaluer cibleront les grands mécanismes de la maladie comme la synucléine, la neuro-inflammation, la mitochondrie ou le lysosome. Par ailleurs, nous pourrions imaginer cibler des sous-populations de malades avec des prédispositions génétiques avec des thérapies ciblées.
Dans Master Trial, nous évaluerons en priorité le repositionnement de médicaments. À ce titre, nous envisageons d’utiliser l’intelligence artificielle pour nous aider à identifier des médicaments candidats prometteurs et originaux. En effet, ce n’est pas évident d’être innovant dans la sélection des médicaments candidats, le processus actuel s’appuie sur une sélection manuelle à partir de listes existantes de médicaments, mais ce procédé a ses limites.
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