Qu’est-ce qui peut réunir dans une ferme du Haut-Jura où des vaches montbéliardes produisent le lait pour le Comté, des profils aussi divers que des médecins de caisses primaires d’assurance-maladie (CPAM), de santé publique et santé environnementale, des étudiants en maladies infectieuses, une chargée de prévention à l’hôpital, une référente santé maternelle et infantile, une responsable d’agence régionale de santé (ARS), un cadre de santé, ou encore une coordinatrice de communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) ?
La formation à l’approche One Health ou « Une seule santé », proposée par l’université d’été de santé publique de Besançon pour son édition 2024 du 30 juin au 5 juillet. Ou comment penser l’interface entre santé des animaux, santé des humains et santé de leur environnement à l’échelle locale, nationale et mondiale.
Le module One Health se veut concret. La Dr Amandine Berdelou, médecin en charge de la santé environnementale à l’hôpital Nord Franche-Comté à Trévenans, interpelle les participants. « Tout le monde apprécie les fromages du Jura. Mais qui pourrait penser que derrière l’image d’Épinal de vaches broutant l’herbe de montagne, se cache une réalité problématique pour l’équilibre entre les trois santés ? » Et de développer : « Cette spécialisation laitière entraîne l’arrêt de la polyculture au profit des surfaces herbeuses. Voilà que pullulent les campagnols terrestres, hôte des larves d’un parasite pouvant provoquer l’échinococcose alvéolaire (maladie rare du foie). De plus la terre humide entretient la prolifération de micro-organismes à l’origine du poumon du fermier. Sans compter que le recours aux labours et aux intrants pour enrichir les sols finit par polluer la Loue, la rivière voisine qui a perdu plus de la moitié de ses poissons. »
Dans cette région, s’est mise en place une zone atelier de l’arc jurassien dont fait partie le laboratoire pluridisciplinaire Chrono-Environnement. « C’est en se concertant, aidés par les chercheurs, que les différents acteurs ont trouvé des solutions locales pour retrouver l’état d’équilibre entre homme, animal et environnement », explique la Dr Amandine Berdelou.
Mise en garde contre la « One Health Mania »
Cette visite de terrain fait suite à deux premières journées dédiées à la pensée One Heath, ponctuées par des interventions croisées d’experts. « Effondrement de la biodiversité, apparition des environnements toxiques, changement climatique qui modifie les conditions d’habitabilité de la planète… Il faut tout prendre en compte. Le diagnostic se doit d’être partagé et les décisions prises à plusieurs », explique le Pr Frédéric Mauny, professeur de santé publique à l’université de Franche-Comté (UFC) et référent académique de l’université d’été.
S’il faut croiser les regards, le Pr Patrick Giraudoux, professeur émérite d’écologie à l’UFC et membre du Comité de veille et d'anticipation des risques sanitaires (Covars), met en garde contre la One Health mania ou le One Health washing. « Si un problème ne relève pas du One Health, il faut aussi le savoir », prévient-il. Même credo pour la Dr Berdelou qui encadre les travaux pratiques : « Les participants réfléchissent eux-mêmes à la problématique qu’ils souhaitent travailler et si, au final, on se rend compte qu’elle ne peut être résolue par l’approche, c’est tout aussi formateur ». Au menu cette année : moustique tigre/végétalisation à Besançon, accès à une eau de qualité et prolifération des sangliers en Bourgogne-Franche-Comté.
Les trois copilotes prennent soin de l’hétérogénéité des groupes. « Si tous les médecins étaient ensemble, il en résulterait une solution médicale, pas une solution One Health ! », s’exclame le Pr Frédéric Mauny. « La diversité des origines professionnelles et géographiques (métropole, Guyane, Côte d’Ivoire, Belgique, Congo, Gabon, Guinée, Madagascar) rend le travail en groupe très agréable, chacun apporte ses idées, certains sont déjà très au fait des dimensions environnementales », apprécie Théophile, interne en santé publique. Tout au long des ateliers, les organisateurs veillent au grain pour lever les freins et faire vivre l’intelligence collective. « Pas question de rester dans son couloir de nage en prétextant que le problème ne relève pas de sa compétence : pas de posture hiérarchique ! », souligne le Pr Mauny.
Le dernier jour de la formation est consacré à la restitution des travaux sous forme de saynètes à l’ensemble des participants de l’université d’été. Un côté décalé revendiqué pour parler de choses complexes.
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