Non seulement, les ex-salariées du laboratoire Tétra Médical, à Annonay, en Ardèche, en grande majorité des femmes, ont été intoxiquées mais leurs enfants aussi. Devant plus d’une centaine de personnes, leur avocat, Me François Lafforgue, du barreau de Paris, a annoncé, ce mardi 29 octobre lors d’une réunion d’information : « Nous avons obtenu l’indemnisation d’enfants malades du fait de l’exposition de leurs parents à l’oxyde d’éthylène. » À ce jour, trois mineurs ont reçu une offre d’indemnisation du fonds d’indemnisation des victimes de pesticides, créé en 2020 – l’oxyde d’éthylène faisant partie de la famille des pesticides et en tant que tel, est interdit depuis 1991.
Ces enfants sont atteints de cancer du sang (leucémie), de troubles du neurodéveloppement (troubles autistiques, moteurs) et de malformations à la naissance. « C’est une avancée majeure car c’est la première fois qu’en France, un produit toxique utilisé par une entreprise est reconnu comme étant en lien avec une maladie contractée par un enfant pour une exposition in utero, c’est-à-dire pendant la grossesse de la mère », a souligné Me Lafforgue, aux côtés d’ex-salariées et de mères concernées, d’Annie Thébaud-Mony, sociologue de la santé et du travail (Inserm) et de responsables de la CGT. Son cabinet TTLA suit une dizaine de dossiers d’enfants malades pour tenter d’obtenir cette reconnaissance.
« Le fait que l’on ait obtenu la reconnaissance du lien entre la maladie d’enfants et l’exposition de leurs parents chez Tétra Médical est un élément important pour la procédure pénale », a renchéri l’avocat. Il y a près d’un an, une information judiciaire pour mise en danger de la vie d’autrui a été ouverte par le pôle santé publique du parquet de Marseille, qui s’est saisi du dossier. Un juge d’instruction a été désigné et des investigations sont en cours.
Reconnaissance de maladie professionnelle
Quelque 160 salariées travaillaient au sein du laboratoire Tétra Médical lorsque l’usine de cette ville ardéchoise d’environ 17 000 habitants a fermé, à la suite de sa liquidation judiciaire en février 2022. L’oxyde d’éthylène était utilisé pour la stérilisation de dispositifs médicaux à usage unique (compresses, kits chirurgicaux, etc.) commercialisés par l’entreprise. Cette substance est classée comme cancérogène, mutagène et reprotoxique (CMR). En raison de son caractère mutagène, l’oxyde d’éthylène provoque des mutations qui peuvent se transmettre, indépendamment de l’exposition de l’enfant in utero. Il est aussi toxique pour la fertilité et associé à une augmentation de fausses couches, qui est a été décrite chez des femmes exposées professionnellement à l’oxyde d’éthylène.
Deux ans après la première reconnaissance de la maladie professionnelle d’une ex-salariée de Tétra Médical, sur une dizaine de dossiers, déjà quatre salariées de Tétra Médical ont obtenu cette reconnaissance pour des problèmes d’yeux (cataracte) et des cancers du sein. « Pour certaines d’entre elles, on a d’ores et déjà engagé une procédure de faute inexcusable de leur employeur », précise leur avocat. « On considère que les maladies sont survenues par la faute de l'employeur, qui ne vous a pas protégé, qui ne vous a pas informé des risques, qui ne vous a pas formé suffisamment au risque lié à l’oxyde d’éthylène et qui n’a pas évalué les risques auxquels vous avez été exposés », a énuméré Me Lafforgue, dans un silence de plomb.
Plus d’une centaine d’ex-salariées de Tétra Médical, à Annonay, exposés à l’oxyde d’éthylène, non malades, ont par ailleurs engagé une procédure aux prud'hommes pour « préjudice d’anxiété ». La décision est attendue le 26 novembre.
Suivi médical post-professionnel
Le suivi médical post-professionnel des ex-salariées de Tétra aura lieu au centre de santé Les Cévennes à Annonay. Il doit démarrer avant la fin de l’année. Un protocole a été élaboré avec l’équipe médicale et il a été accepté par la direction des risques professionnels de la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam). Ce suivi sera aussi ouvert aux intérimaires, aux sous-traitants et aux enfants. Il comprendra des examens cliniques, des analyses de sang et englobe un travail de recherche. « Ce suivi est extrêmement important. C’est ce qui permet de voir s’il y a des modifications de votre formule sanguine, par exemple, des signes à l’examen clinique qui pourraient alerter de telle sorte que les problèmes qui peuvent survenir sont identifiés de façon précoce », a souligné Annie Thébaud-Mony.
Avec l’association Henri Pézerat qu’elle préside, la sociologue de la santé et du travail demande « l’interdiction de l’oxyde d’éthylène dans les procédés de stérilisation sachant qu’il est interdit dans toute autre utilisation dans l’Union européenne ».
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