Quels progrès médicaux ont été réalisés dans le traitement de la LLC et de la LMC ?
Pr François Guilhot : La prise en charge des hémopathies a vu arriver, depuis la fin des années 1990, les thérapies ciblées. Ainsi, dans la leucémie lymphoïde chronique (LLC), après le Chloraminophène, les anti-CD20 puis la fludarabine, le traitement intègre désormais un inhibiteur de la tyrosine kinase de Bruton (BTK), l’ibrutinib. D’où une forte amélioration du taux de survie. Et dans la leucémie myéloïde chronique (LMC), plusieurs inhibiteurs de tyrosine kinase sont à présent utilisés, avec une efficacité telle que la pathologie devient une maladie chronique comme les autres : de récents travaux estiment que le taux de survie à 17 ans s’élève à 82 % et que 15 % des patients peuvent être considérés comme guéris et arrêter leur traitement.
Au-delà de la survie, y a-t-il aussi une amélioration de la vie ?
Pr F. G. : Complètement. Les patients peuvent enfin mener la vie qu’ils ont envie de mener. Il n’y a plus de contre-indication au retour à l’activité professionnelle dès lors que le traitement est efficace et bien supporté. D’ailleurs, beaucoup ne s’arrêtent tout simplement pas de travailler. La procréation est aussi possible : de plus en plus de jeunes femmes atteintes de leucémie ayant arrêté leur traitement ont des enfants. Et au regard du très bon état de santé des cohortes de patients traités, lorsqu’un prêt bancaire est demandé, le droit à l’oubli a été réduit de 10 à 5 ans par décret en février 2022. Au total, les patients peuvent travailler, investir, avoir des enfants, etc.
L’efficacité des traitements et ce retour à la vie normale restent-ils soumis à la précocité de la prise en charge ?
Pr F. G. : Oui, moins la masse tumorale est élevée, plus le score pronostique est favorable, avec un moindre risque de transformation aiguë dans la LMC. Mettre en place un traitement rapidement reste donc nécessaire pour augmenter les chances de survie à long terme. Ainsi, un repérage précoce, auquel les généralistes peuvent contribuer, demeure indispensable. En pratique, certains signes doivent conduire à la prescription d’un hémogramme : toute asthénie inexpliquée, un ganglion sous l’aisselle ou dans le cou, un débord splénique, etc. L’hémogramme étant un examen très simple, nous pensons, bien qu’il n’existe pas de recommandation en ce sens, que les médecins traitants peuvent régulièrement proposer un hémogramme aux sujets à risque (histoire familiale, antécédents de déficit immunitaire, etc.) et après 60 ans – sans limite d’âge supérieure. Même après 80 ans, il n’y a pas de raison de ne pas diagnostiquer et traiter la LMC et la LLC.
Pour l’Académie de médecine, les généralistes ont aussi un rôle à jouer dans le suivi du traitement…
Pr F. G. : En effet, car on observe un déplacement du traitement vers la ville : nombre de patients sont désormais traités par des médicaments disponibles en comprimés, la plupart des malades ne sont maintenant plus du tout hospitalisés en hospitalisation complète, et quand le traitement est bien toléré, les consultations spécialisées à l’hôpital peuvent être espacées à seulement deux rendez-vous par an. Nous insistons aussi sur le rôle des infirmiers en pratique avancée, qui assurent, en lien avec le spécialiste et le généraliste, l’accompagnement du patient pour l’aider à bien supporter le traitement.
En pratique, quels points doivent attirer l’attention lors du suivi ?
Pr F. G. : L’adhésion au traitement des sujets en particulier jeunes doit être surveillée et encouragée. Car nombre de rechutes s’avèrent liées non à une résistance aux médicaments mais à un arrêt spontané du traitement par les patients : 20 % des malades de 20 à 40 ans ne suivent pas leur traitement. De plus, il faut veiller attentivement à l’apparition de potentiels effets secondaires, notamment cardiovasculaires, les médicaments désormais utilisés dans la LMC ou la LLC pouvant altérer l’endothélium vasculaire et ainsi entraîner des thromboses, infarctus du myocarde, etc. Des cas d’interactions médicamenteuses fatales ayant été décrits avec ces nouvelles thérapeutiques (surtout avec des anticoagulants), la vigilance est aussi de mise en cas de pathologie intercurrente. Plus classiquement, dans la LLC, associée à un déficit immunitaire, le traitement et la prévention des infections sévères (notamment par la vaccination) restent d’actualité.
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