Comme le registre européen Euroaspire IV sur le contrôle des facteurs de risque le confirme, malgré une modeste amélioration en huit ans, les objectifs de LDL ne sont atteints que chez 37 % des patients à haut risque cardio-vasculaire. Dans un contexte médiatique défavorable, la situation reste bloquée, avec la prescription de doses insuffisantes de statines ou de statines les moins puissantes, la mauvaise compliance, sous-tendues par une intolérance aux statines, les douleurs musculaires étant la cause majeure des arrêts de traitement. Mieux comprendre et gérer l'intolérance aux statines reste un enjeu de taille pour continuer à réduire la morbimortalité CV.
L'effet nocebo de la dys-information
Le risque de myopathie sous statines est connu, mais rare, et les essais cliniques n'ont pas mis en évidence de modifications significatives des CPK ni des anomalies musculaires par rapport au placebo comme le confirme une méta-analyse de huit essais randomisés. En revanche, les études observationnelles mises en avant par les détracteurs des statines, retrouvent un sur-risque de symptomatologie musculaire sous statines à haute dose. La différence entre les essais randomisés et « ?la vraie vie » pourrait s'expliquer par un biais de sélection dans les études, excluant les patients à risque de douleurs musculaires, d'interactions médicamenteuses ou de mauvaise compliance ou l'absence de questionnaires spécifiques sur les symptômes musculaires.
D'autres mécanismes physiopathologiques plus complexes interviennent certainement et le polymorphisme de certains gènes pourrait entraîner une susceptibilité individuelle aux statines. Mais force est de constater que les très fréquents symptômes musculaires ne sont, pour la majorité, pas liés aux statines, mais toute douleur leur est quasi systématiquement attribuée sous l'influence des informations données par le médecin, la notice d'utilisation et les médias. « La question de l'intolérance aux statines résulte d'une interaction complexe entre le patient, le clinicien…et les médias », ironise le Pr John Chapman (Paris), comme l'illustre une étude danoise mettant clairement en évidence le parallélisme étroit entre le taux d'intolérance aux statines et le nombre d'articles publiés sur leurs effets indésirables.
Un algorithme pratique
Quelles qu'en soient les causes, l'approche des personnes intolérantes aux statines pose un problème quotidien et un consensus d'experts vient de paraître (1) détaillant les mécanismes possibles des troubles musculaires et proposant un algorithme pratique pour la gestion des patients.
« La surveillance des CPK amène à arrêter les statines lorsqu'elles sont plus de dix fois la norme. Elles peuvent être poursuivies si elles sont inférieures à ce chiffre chez les patients à haut risque CV mais arrêtées de façon définitive en cas de suspicion de rhabdomyolyse », rappelle le Pr Éric Bruckert (Paris).
Les myalgies sans élévation notable des CPK qui incitent le patient à interrompre le traitement sont la situation la plus fréquente à laquelle les praticiens sont confrontés. Il est cliniquement difficile de les rattacher aux statines et le médecin pourra s'aider d'un score (2) aidant à déterminer si leur lien avec la statine est probable ou non. On recherchera les éléments favorisant l'atteinte musculaire, l'âge, le sexe féminin, l'IMC bas, de fortes posologies de statines mais aussi les interactions médicamenteuses, l'activité physique intense et l'hypovitaminose D. Le Pr Alberto Corsini (Milan) pharmacologue rappelle les « interactions potentielles entre les statines et le jus de pamplemousse (via le CYP3A4), mais elles varient selon sa composition, la quantité et le délai entre la consommation et la prise de statines, les effets étant minimums au-delà de 12 heures de délai ».
Arrêter les statines pour renforcer l’hygiène de vie ne peut être envisagé que si le LDL et le risque CV ne sont pas trop élevés. Le message clé semble être « ?Cent fois sur le métier remettez votre ouvrage » : il faut proposer à tour de rôle les différentes statines – 90 % des patients se plaignant de symptômes tolèrent la réintroduction d'une autre satine –, chercher la dose maximale tolérée. « Mieux vaut une faible dose de statines que pas de statine du tout », a insisté le Pr Michel Farnier (Dijon).
Les statines, et après ?
Autre alternative si la dose de statine ne ramène pas le LDL à l'objectif, l'association voire la substitution avec d'autres hypolipémiants. La niacine (acide nicotinique) voit son utilisation limitée par les phénomènes de flush et deux grands essais cliniques n'ont pas montré de bénéfice clinique; le plus récent, HPS2-Thrive, retrouve même des effets indésirables graves de l'association niacine au laropiprant, un agent anti-flush, troubles gastro-intestinaux et saignements, augmentation des diabètes et des infections, qui surpassent les bénéfices. Les fibrates dans une méta-analyse de 18 essais réduisent le risque de complications CV majeures, mais sans bénéfice sur la mortalité CV et de toute cause. L'intérêt de les associer aux statines est limité mais elles constituent une option possible en cas d'hypertriglycéridémie importante. « ?En revanche, on dispose maintenant d'une alternative avec l'association simvastatine/ézétimibe, se félicite le Pr Marja-Riitta Taskinen (Helsinski), avec les résultats d'Improve-It où l’association simvastatine/ézétimibe réduit significativement à 7 ans de 13 % les IDM et de 21 % les AVC sans majorer les effets secondaires ».
Enfin, une nouvelle famille d’hypolipémiants, les anti PCSK9 (alirocumab et evolocumab) pourrait être bientôt disponible. Associés aux statines, ces anticorps monoclonaux injectables permettent une baisse supplémentaire du LDL-c de 50 à 65%. Ils viennent d’être approuvés par la FDA (et par l’EMA pour l’evolocumab) et pourraient être associés aux statines ou constituer une alternative à celles-ci dans certains cas, mais des controverses s’élèvent déjà sur leur coût (environ 13000 dollars par an).
(2) Guyton JR et al, Journal of Clinical Lipidology , Volume 8 , Issue 3 , S72 - S81.
Le taux de micro/nanoplastiques dans l’athérome carotidien est associé à la sévérité des symptômes
Dans la cholécystite, la chirurgie reste préférable chez les sujets âgés
Escmid 2025: de nouvelles options dans l’arsenal contre la gonorrhée et le Staphylococcus aureus
Yannick Neuder lance un plan de lutte contre la désinformation en santé