Que faire des millions de data de la Caisse nationale d’assurance-maladie (CNAM) ? « Certainement pas les délaisser dans les caves de la Sécu ! » ont plaidé avec vigueur des acteurs du monde de la santé lors d’une table ronde organisée dans le cadre du congrès CHAM (« Convention on health analysis and management »), consacré cette année à l’open santé.
En discussion au Sénat, le projet de loi de santé facilite l’accès au stock de données issues du système d’information de l’assurance-maladie. Si nombre de médecins s’inquiètent des conditions de cette ouverture et de l’exploitation lucrative des informations médicales du patient, industriels et assureurs convoitent déjà cette mine de données, qui ouvre des perspectives médico-économiques considérables (épidémiologie, recherche clinique, bon usage du médicament, veille sanitaire, efficience du système de soins...).
Aujourd’hui, l’assurance-maladie utilise déjà son entrepôt de données (le SNIIRAM) comme un outil de gestion du risque et d’évaluation. « Les données nous servent à établir des profils de médecins afin de parler avec eux de leurs prescriptions, précise Dominique Polton, conseillère auprès du directeur général de la CNAM. Elles nous permettent aussi de comparer les professionnels entre eux. » Des « partenaires » externes comme l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) y ont aussi accès pour mener des enquêtes sanitaires.
Observance, suivi
Sur le papier, rien n’est possible sans un double cryptage et un accord de l’Institut de données de santé (IDS). La sécurisation des données de santé est optimale, assure Dominique Polton. L’avocate Nathalie Beslay abonde en ce sens : sur les 6 000 plaintes enregistrées l’an dernier par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), beaucoup concernent l’e-commerce, le droit du travail ou la police, mais aucune la santé.
La question de la montée en puissance des complémentaires santé et de la préservation du secret médical est pourtant au cœur des enjeux. Didier Bazzocchi, directeur général de Covéa santé et prévoyance dédramatise : « Sur le marché des assureurs, aucun ne s’amuse à tarifer les contrats selon les comportements des adhérents. Google a beaucoup plus d’informations sur nos propres assurés que nous ! ». Il estime que « d’un point de vue économique, l’enjeu central [de l’ouverture des données de santé, NDLR] est l’amélioration de l’observance, de la prémédication et du suivi postopératoire ».
Codage des diagnostics
Le PDG de Sanofi France Marc-Antoine Lucchini cite de son côté « la recherche, l’innovation et le suivi des patients ». « L’accès aux données nous permet d’analyser le juste usage de nos produits et de détecter des effets secondaires passés inaperçus pendant les essais cliniques », développe-t-il.
Pour le Pr Jean-François Bergmann (AP-HP), le bénéfice « colossal » des données de santé risque de décliner s’il ne s’accompagne pas d’une connaissance du diagnostic. « Les données seules sont un outil merveilleux pour la recherche clinique en épidémiologie. Mais pour une analyse de la prescription médicale, une étude des usages est impossible sans le codage des diagnostics, que nous refusons pour des raisons conservatrices », plaide-t-il.
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