L'éventuelle introduction d'une clause de conscience dans le code de déontologie des pharmaciens suscite des remous, de Twitter aux ministères.
L'Ordre national des pharmaciens (CNOP) a lancé fin décembre 2015 une consultation auprès de ses 75 000 membres, dans la perspective d'une refonte de leur code de déontologie, inchangé depuis 1995. Une grande majorité (85 %) des quelque 3 395 pharmaciens répondants se sont prononcés en faveur d'une « clause de conscience au bénéfice du pharmacien ».
Un projet de 48 articles, au lieu des 77 actuels, issu des groupes de travail et s'inspirant de cette consultation, a été discuté au sein du CNOP le 4 juillet. Faute de consensus, les ordinaux ont décidé de soumettre uniquement l'article sur la clause de conscience au vote des 75 000 pharmaciens, sur le site Extranet de l'Ordre, ainsi rédigé : « Sans préjudice du droit des patients à l'accès ou à la continuité des soins, le pharmacien peut refuser d'effectuer un acte pharmaceutique susceptible d'attenter à la vie humaine. Il doit alors informer le patient et tout mettre en œuvre pour s'assurer que celui-ci sera pris en charge sans délai par un autre pharmacien. Si tel n'est pas le cas, le pharmacien est tenu d'accomplir l'acte pharmaceutique. »
Défense des droits des femmes
La consultation est ouverte jusqu'au 31 août. Mais dès la mi-juillet, un collectif de pharmaciens actifs sur les réseaux, a lancé une pétition, qui, à ce jour (20 juillet) a recueilli près de 5 770 soutiens, demandant le retrait de cette clause accusée de faire le jeu des anti-IVG ou contraception.
« Les pharmaciens peuvent déjà refuser de délivrer un traitement dans l’intérêt de la santé du patient. Alors pourquoi inscrire cette clause de conscience dans le nouveau code si ce n’est pour satisfaire les pharmaciens les plus réactionnaires, qui souhaitent avoir le droit de ne pas délivrer certains médicaments par convictions personnelles ? Comme ceux qui refusent déjà de vendre des préservatifs, de délivrer la pilule, le stérilet ou encore la contraception d’urgence... De même que ceux qui refusent de délivrer des hormones aux personnes transgenres, des médicaments aux toxicomanes ou des traitements contre le VIH » lit-on dans le texte de la pétition.
À son tour, la ministre des familles et des droits des femmes Laurence Rossignol s'est « interrogée sur cette initiative », dans « un climat international inquiétant de mise en cause des droits sexuels et reproductifs », alors qu'en « Pologne la contraception d’urgence est la cible des adversaires du contrôle des naissances ». Et d'appeler la présidente du CNOP Isabelle Adenot à clarifier l'objet de cette consultation, en insistant sur le fait que, jamais acquis, la contraception et l'IVG, sont des droits qu'on ne peut remettre en question.
Contraception ou fin de vie ?
Dénonçant des propos non documentés, la présidente du CNOP a riposté en indiquant que « les débats sur cet article n'ont jamais porté sur la contraception mais sur la fin de vie, situation souvent délicate à gérer par les pharmaciens de ville et d'hôpital ».
Sollicitée, la Présidente du CNOP Isabelle Adenot n'a pas été en mesure de répondre au « Quotidien », ce 20 juillet.
LE CNOP se réunira le 5 septembre pour prendre sa décision. Le code de déontologie devra ensuite être validé par la ministre de la Santé. Marisol Touraine a exprimé « sa pleine confiance » en Mme Adenot pour que « le droit à la contraception d'urgence et à l'IVG ne soit aucunement remis en cause ».
La clause de conscience avait aussi fait débat dans le corps médical, début 2015, mais davantage sur l'IVG que sur la fin de vie. À l'occasion de la loi Santé, la délégation des droits des femmes de l'Assemblée nationale avait réclamé la suppression de la clause de conscience spécifique à l'IVG, au motif qu'elle en faisait un acte médical à part et que la clause de conscience générale permettait déjà aux soignants de s'abstenir (dans certaines circonstances) à la réalisation d'un acte contraire à ses convictions.
L'Ordre des médecins avait fermement défendu et obtenu le maintien de cette double cause. En revanche, il avait évincé l'idée d'une clause spécifique sur la fin de vie, lors des débats sur la loi Leonetti Claeys.
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