En réponse à la saisie des parents de Vincent Lambert, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a estimé le 5 juin qu’il n’y aurait pas violation de l’article 2 de la convention européenne des droits de l’homme (droit à la vie) en cas de mise en œuvre de la décision du Conseil d’État du 24 juin 2014, qui jugeait licite la décision d’arrêt de l’alimentation et l’hydratation artificielles prise par le Dr Kariger en janvier 2014.
Dans son arrêt définitif, tout en prudence et rigueur juridique, la Cour conforte la législation française sur la fin de vie. « Les dispositions de la loi (Leonetti) du 22 avril 2005, telles qu’interprétées par le Conseil d’État, constituent un cadre législatif suffisamment clair pour encadrer de façon précise la décision du médecin dans une situation telle que celle-ci » ; « L’État français a mis en place un cadre réglementaire propre à assurer la protection de la vie des patients », lit-on. Quant au travail de tous les professionnels de santé, « la procédure a été menée de façon longue et méticuleuse, en allant au-delà des conditions posées par la loi (...). L’expertise a été menée de façon très approfondie. La présente affaire a fait l’objet d’un examen approfondi où tous les points de vue ont pu s’exprimer et où tous les aspects avaient été mûrement pesés », dit la Cour.
Possibilité, pas obligation
« C’est un soulagement sur le plan collectif et individuel, pour Vincent Lambert. La loi Leonetti en sort renforcée, tout comme le droit du patient à la vie et le devoir du médecin de lutter contre l’obstination déraisonnable », réagit le Dr Éric Kariger, qui était jusqu’en septembre 2014 le chef du service où est hospitalisé l’ex infirmier psychiatrique. « La loi de 2005 est confortée en ce qu’elle respecte le droit à la vie. Toute cette procédure permet de dire que l’obstination déraisonnable doit être condamnée et que les traitements de survie peuvent être arrêtés », déclare Jean Leonetti au « Quotidien ». « Cela ne signifie nullement que toutes les personnes en état pauci-relationnel ou végétatif chronique auront leurs traitements arrêtés. Les décisions se prennent au cas par cas », précise-t-il. « La décision de la CEDH est sage : elle affirme que la nutrition et l’hydratation sont des traitements qui peuvent être arrêtés mais sans l’obliger. Si elle avait été à l’encontre du Conseil d’État, la discussion éthique aurait été bloquée », estime le Pr Régis Aubry, président de l’Observatoire national de la fin de vie. « Le Conseil d’État a protégé les plus vulnérables, en précisant que c’était bien une décision singulière » insiste le Dr Vincent Morel, président de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP).
Sérénité ?
Tous les observateurs espèrent que l’arrêt de la CEDH apporte de la sérénité. « Chaque médecin est indépendant dans son art. Ma décision ne s’impose pas mécaniquement au Dr Daniela Simon (qui lui a succédé au poste de chef de service, ndlr) même si éthiquement, moralement, cela pourrait être simple », explique le Dr Kariger. Sans refaire tous les examens, l’équipe médicale pourrait avoir à ré-évaluer la situation. « Depuis janvier 2014, les éléments de preuve se sont accumulés », poursuit l’ancien responsable, précisant que Vincent Lambert n’a jamais perdu le réflexe de déglutition, comme l’affirment aujourd’hui ses parents. « L’équipe médicale se réunira prochainement et consultera l’ensemble des représentants de sa famille quant aux mesures à adopter », communique le CHU de Reims. Les parents ont dit leur volonté de poursuivre leur combat.
Dans le cadre de la proposition de loi Leonetti-Claeys, que le Sénat examinera le 16 et 17 juin, l’« affaire Vincent Lambert » devrait mettre en lumière l’importance des directives anticipées et de la désignation de la personne de confiance. « Même s’il n’y a pas de réponse catégorique à des questions éthiques, Il faut tout faire pour prévenir ces situations et tenir compte de la décision de la personne », insiste le Dr Jean-Marie Faroudja, président de la section éthique et déontologie de l’Ordre. « Notre nouveau texte devrait résorber le flou, grâce à des directives renforcées et une sédation obligatoire, qui existe aujourd’hui dans le code de déontologie (37.3) mais qui est seulement possible dans la loi », commente le Dr Leonetti.
Le Pr Emmanuel Hirsch, directeur de l’Espace régional de réflexion Ile-de-France demande à ce que les instances éthiques se réunissent, afin de ne pas laisser ces questions à la justice seule.
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