Il avait demandé au président de la République Emmanuel Macron d'autoriser un médecin à lui prescrire un barbiturique afin de « partir en paix », en vain : Alain Cocq a décidé de mettre en œuvre ce 4 septembre, « au coucher », sa décision de cesser les traitements de maintien en vie (dont l'hydratation et la nutrition).
Âgé de 57 ans, Alain Cocq souffre d'une maladie orpheline incurable. À la suite d'un premier courrier à la présidence française, il avait obtenu le 25 août une conférence téléphonique avec une conseillère de l'Élysée pendant laquelle il avait demandé que le président Emmanuel Macron autorise « à titre compassionnel » un médecin à lui prescrire un barbiturique.
Impossible de demander à un médecin de se mettre hors la loi
Peine perdue. « Parce que je ne me situe pas au-dessus des lois, je ne suis pas en mesure d'accéder à votre demande », écrit le président de la République dans une lettre à Alain Cocq dont l'AFP a obtenu copie. « Je ne peux demander à quiconque d'outrepasser notre cadre légal actuel (...). Votre souhait est de solliciter une aide active à mourir qui n'est aujourd'hui pas permise dans notre pays », souligne Emmanuel Macron.
« Avec émotion, je respecte cette démarche », nuance le président dans sa lettre qui porte une mention manuscrite : « avec tout mon soutien personnel et mon profond respect ».
« Un combat »
Alain Cocq souhaite diffuser sa fin de vie - il estime qu'elle durera quatre ou cinq jours - « en direct sur (sa) page Facebook » afin de « montrer aux Français ce qu'est l'agonie obligée par la loi Leonetti ». Un acte militant de la part d'un homme qui, dans les années 1990 et 2000, a traversé la France et l'Europe en fauteuil roulant pour sensibiliser au sort des personnes handicapées, et qui est aujourd'hui membre de l'Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD).
« Mon combat va s'inscrire dans la durée », déclare Alain Cocq, avec l'espoir qu'une nouvelle loi autorise « le soin ultime ». Il a fait de la vice-présidente de l'association « Handi mais pas que » Sophie Medjeberg, sa mandataire. « Alain passe le relais (...) afin d'autoriser le suicide assisté comme en Belgique ou en Suisse », déclare-t-elle.
Pour rappel, la loi Leonetti Claeys de 2016 ouvre le droit pour un patient de demander une « sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu'au décès, associé à une analgésie et à l'arrêt de l'ensemble des traitements de maintien en vie » dans deux cas : lorsqu'il est atteint d'une affection grave et incurable, que son pronostic vital est engagé à court terme et qu'il présente une souffrance réfractaire aux traitements ; et lorsque, atteint d'une affection grave et incurable, il décide d'arrêter un traitement, ce qui engage son pronostic vital à court terme et est susceptible de provoquer une souffrance insupportable. La loi précise que la nutrition et l'hydratation artificielles sont des traitements qui peuvent être arrêtés.
Des précédents
Ce n'est pas la première fois qu'un patient en appelle à l'Élysée pour faire évoluer le cadre législatif autour de la fin de vie. En 2002, Vincent Humbert, muet et tétraplégique après un accident de la route, demande à Jacques Chirac le « droit de mourir ». Le président refuse, mais l'affaire donne naissance à la loi Leonetti de 2005, contre l'obstination déraisonnable.
En 2008, Chantal Sébire, atteinte d'esthésioneuroblastome, une tumeur maligne très rare des fosses nasales, exhorte Nicolas Sarkozy à « l'aider à partir ». L'Élysée lui propose de se soumettre à un nouvel avis médical, elle refuse et dépose une demande d'euthanasie devant le tribunal de Grande Instance de Dijon. La requête est rejetée, l'ancienne institutrice se suicide. Le débat qu'elle a suscité autour de la fin de vie se traduit par l'adoption du programme de soins palliatifs 2008-2012.
Enfin, sollicité par le neveu de Vincent Lambert en 2017 pour qu'il prenne position sur les procédures d'arrêt des traitements alors bloquées au CHU de Reims, François Hollande esquive. Appelant à ce qu'une « solution humaine et digne » soit trouvée pour l'ancien infirmier psychiatrique, plongé dans un état végétatif après un accident de la voie publique, il s'en remet au corps médical. « Nous devons trouver les formes pour que cette loi soit appliquée (...) Ce ne peut pas être le président de la République qui en décide : c'est l'équipe médicale, c'est avec la famille » avait-il répondu.
Mise à jour (7 septembre) :
Facebook a annoncé dès samedi 5 septembre avoir bloqué la diffusion en vidéo des derniers instants de vie d’Alain Cocq. « Nos règles ne permettent pas la représentation de tentatives de suicide », indique un porte-parole du réseau social à l’AFP.
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