L’affaire remonte bien avant les premières lois de bioéthiques… Selon une enquête édifiante publiée le 21 décembre par « France Info », trois gynécologues français sont soupçonnés d’avoir eu recours à leur propre sperme pour inséminer leur patiente, entre 1974 et 1986. Le tout « à leur insu ». Deux des trois praticiens sont décédés aujourd’hui.
Début nombre, le Conseil national de l’Ordre des médecins (Cnom) a été alerté par l’association PMAnonyme – qui milite pour l’accès aux origines des enfants nés de PMA – sur de « possibles fautes éthiques et déontologiques graves », selon France Info. Trois femmes, issues d’une procréation médicalement assistée, ont eu recours au même procédé pour connaître l’origine de leur géniteur : la réalisation de tests génétiques, interdits en France, mais disponibles aisément sur des sites américains.
Test génétique et arbre généalogique
Après avoir réalisé un test ADN, Natacha, née en 1975 dans le sud de la France a ainsi appris l’existence de quatre « cousins génétiques ». Quatre personnes qui avaient déjà renseigné leur génome sur la plateforme. En appareillant les données génétiques à un arbre généalogique, la femme de 45 ans a mis en lumière un parent commun avec le gynécologue de sa mère. Interrogée par France Info, Nathalie Jovanovic-Floricourt, spécialiste de la généalogie génétique l’affirme : « Au vu des dates de naissance et des données de l'arbre généalogique, le gynécologue est bien le géniteur de Natacha. »
L’histoire se répète du côté de Marjorie. Son analyse génétique matche avec sept membres de la famille du spécialiste de sa mère, toujours en vie. « Quelques mois plus tard, un nouveau "match" émerge avec un homme, cette fois-ci bien plus élevée, poursuit l’article. La correspondance est de 20 %, un pourcentage équivalent à un lien entre demi-frère et demi-sœur biologiques. » La mère de cet homme a confirmé avoir été, elle aussi, patiente du même gynécologue que la mère de Marjorie. Le praticien, lui, réfute avoir eu recours à son propre sperme et « évoque un cousin ». Une version mise à mal par les analyses génétiques.
Pauline - dernière des trois femmes concernées - a elle aussi découvert un lien entre son test ADN et l’arbre généalogique du praticien de sa mère. « Un moment très éprouvant », « une trahison » pour ses parents, rapporte France Info. À l’époque, leur gynécologue avait certifié que le sperme provenait d’un étudiant en médecine d’origine italienne.
« Le médecin partait un moment et revenait avec du sperme frais »
Si la rupture éthique est indiscutable, l’insémination artisanale « par du sperme frais », non congelé, n'a été interdite en France que dans les années 1990. « Ce qui se passait dans les cabinets, nous n'en étions aucunement informés, c'était libre », relève Louis Bujan, président de la Fédération française des Cecos de 2009 à 2015. La pratique était-elle fréquente ? Dans les années 1960, certains gynécologues auraient eu pour habitude de recruter des étudiants en médecine comme donneurs de sperme frais. Dans les années 1980, dans les cabinets privés, « le médecin partait un moment et revenait avec du sperme frais, raconte aussi à France Info Grégoire Moutel, qui travaillait à l’époque en Cecos. Était-ce un donneur ou était-ce le médecin ? ».
C’est la première fois que de telles pratiques sont rendues publiques en France. L’association PMAnonyme évoque d’ailleurs « un scandale sanitaire qui débute ». Au Pays-Bas, un gynécologue hospitalier - décédé en 2009 - a été soupçonné l’année dernière d’avoir lui aussi eu recours au don de ses propres gamètes. Et d’être le père d’au moins 17 enfants… Aux États-Unis, plusieurs spécialistes de l’infertilité ont été épinglés pour des pratiques similaires.
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