L'accès aux soins des étrangers en situation irrégulière a subi de sérieux coups de rabot lors de l'examen en commission du projet de loi « immigration et intégration », actuellement en première lecture au Sénat.
Dans un amendement présenté par 20 sénateurs, avec en tête la sénatrice LR du Var Françoise Dumont, l’aide médicale d’État (AME), accessible aux étrangers en situation irrégulière présents sur le territoire depuis plus de trois mois, est remplacée par une aide médicale d’urgence (AMU) « centrée sur la prise en charge des situations les plus graves et sous réserve du paiement d’un droit de timbre ». Il est précisé que le ministre chargé de l’Action sociale conserverait néanmoins sa faculté d’accorder l’AMU par décision individuelle afin de pouvoir répondre aux situations exceptionnelles.
Certaines prises en charge feraient toutefois l'objet d'une dispense de frais : la prophylaxie et le traitement des maladies graves et des douleurs aiguës, les soins liés à la grossesse et ses suites, les vaccinations réglementaires et les examens de médecine préventive.
Les auteurs justifient leur amendement par le « contexte d’augmentation continue des dépenses liées à l’AME, qui devraient se porter à 1,2 milliard d’euros en 2023 et alors que le ministre de l’Intérieur lui-même a estimé "entre 600 000 et 900 000" le nombre d’étrangers en situation irrégulière présents sur le territoire national. »
Pas de sécu pour les étrangers malades
Les sénateurs ont également durci les conditions d'accès au statut d'« étranger malade », via un amendement déposé par les rapporteurs de la loi, Muriel Jourda (sénatrice LR du Morbihan) et Philippe Bonnecarrère (Union centriste, sénateur du Tarn).
Le texte conditionne cet accès à l'absence totale, et non plus « effective » comme c'était le cas depuis la réforme de 2016, d’un traitement approprié dans le pays d'origine. Il précise en outre que les soins dont bénéficiera un étranger ne doivent pas être supportés par l’Assurance-maladie, mais par les systèmes assurantiels, publics ou privés du pays d'origine. Par ailleurs, le texte requiert également de nouvelles conditions de séjour préalable et de ressources. Enfin, l’amendement autorise les médecins de l’Office français de l'immigration et de l'intégration (1) à demander les informations médicales nécessaires à l’accomplissement de leur mission aux professionnels de santé qui en disposent sans l’accord de l’étranger.
Dans un autre amendement adopté en commission, il est précisé que le statut étranger malade ne devra être délivré que si « le défaut de prise en charge médicale fait peser sur le pronostic vital de l’étranger ou l’altération significative de l’une de ses fonctions importantes ». Il sera aussi nécessaire que le délai de survenue des altérations soit court. Un dernier amendement propose la radiation, à l'expiration du délai de recours, de toute personne s'ayant vu délivrer une obligation à quitter le territoire français (OQTF).
Tour de vis généralisé
Ces nouvelles dispositions font partie d'une série d'amendements, dont beaucoup visent à réduire l'immigration, adoptés en commission par les sénateurs. Le nouveau texte de loi prévoit de durcir les conditions d'accès au regroupement familial (durée de séjours plus grande, niveau de langue minimum, conditions de ressources…), de facilité les expulsions des étrangers délinquants et introduit un titre de séjour controversé dans les « métiers en tension ».
« Nous avons essayé de gommer un certain nombre de facteurs d'attractivité et de demander plus de capacité d'intégration », a indiqué Muriel Jourda (LR), l'une des deux rapporteurs. « La commission des Lois vient de durcir considérablement le projet de loi. Tout y passe : l'AME, durcissement de l'accès à la nationalité, (...) expulsions aggravées y compris des personnes protégées », a déploré sur Twitter le collectif « Unis contre l'immigration jetable », qui rassemble les associations hostiles au texte.
Ce dernier sera examiné à partir du 28 mars au Sénat, dominé par Les Républicains. Le vote est prévu le 4 avril, avant un passage à l'Assemblée nationale autour de l'été. Il est probable que ces différents amendements y fassent l'objet d'un intense débat, devant une assemblée moins ancrée à droite.
(1) Depuis la réforme de 2016, l'examen des étrangers postulant au statut d' « étrangers malades » doit être réalisé par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dépendant du ministère de l'intérieur, en non plus par les médecins des ARS.
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