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Dossier

Partenaire, référent, accompagnateur...

La parole est au patient

Par Coline Garré - Publié le 20/06/2019
La parole est au patient

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PHANIE

« Le patient partenaire, on ne cessera plus d'en parler ! », se félicite Catherine Tourette-Turgis, fondatrice en 2009 de l'Université des patients (UDP) - Sorbonne université, qui avec 3 diplômes universitaires (DU) et un master, fait figure d'établissement pionnier dans la légitimation de l'expertise patient.

Le patient partenaire représente la dernière étape dans la reconnaissance des patients, mouvement né au cours des années Sida. Si la loi Kouchner de 2002 a consacré les droits des patients et l'écoute qu'on leur devait, la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST) de 2009 a officialisé leur capacité d'action. Notamment en formalisant l'Éducation thérapeutique du patient (ETP). Il s'agit d'« aider les patients à prendre soin d'eux, à vivre au mieux la maladie et les traitements et à mener à bien leurs projets », explique le Dr Brigitte Sandrin, directrice de l'Association francophone pour le développement de l'éducation thérapeutique (AFDET). Le patient n'est plus cantonné au rôle de témoin. « Ils sont de plus en plus souvent sollicités dans les phases de conception des programmes, de mise en œuvre de l'ETP et d'évaluation de ses effets », observe la Haute Autorité de santé (HAS) dans sa dernière actualisation de la littérature sur le sujet.

Une évolution que l'AFDET appelle de ses vœux : « Les patients doivent être partie prenante à tous les niveaux. La mixité se développe dans nos formations : formateurs ou participants, les patients se mélangent aux professionnels », explique le Dr Sandrin.

L'objectif : promouvoir une démarche partenariale. « On ne peut pas soigner le patient malgré lui : l'attitude prescriptive et paternaliste du médecin a vécu », poursuit-elle. « De plus en plus de patients aspirent à être co-décideurs du traitement (et plus seulement informé). Pour ce faire, il est important que les soignants, qui rencontrent ponctuellement un patient dans le cadre du soin, aient conscience de l'expérience du patient qui se construit tout au long du parcours de soins, et qui est de l'ordre du ressenti, du vivre avec, de sa transformation par la maladie, et de sa connaissance du système de santé », explique de son côté Véronique Beauchêne, formée à l'ETP et intervenante dans un institut de formation en soins infirmiers.

Co-chercheurs

Le patient partenaire signe une nouvelle étape dans la reconnaissance de l'expertise du patient. « Il est implanté dans les services, fait partie de l'équipe, et participe à l'amélioration de la qualité et de la sécurité des soins », explicite la Pr Tourette-Turgis.

Amanda Olivon, diplômée du DU « mission d'accompagnant de parcours du patient en cancérologie » de l'Université des patients, rejoint ainsi l'oncopole de Toulouse pour animer un programme d'ETP sur les traitements oraux en Occitanie Est. Il ne s'agit pas seulement de faire entendre la voix des patients. « J'entends aider les soignants et contribuer à l'amélioration de notre système de santé », dit-elle.

Les patients investissent aussi le domaine de la recherche, comme Mme Beauchêne qui a intégré une équipe du cancéropôle Ile-de-France, après avoir décroché ce même DU de l'UDP. « Au même titre que des oncologues, nous, patients experts co-chercheurs, participons à la création d'une étude sur les situations de crise en cancérologie », explique-t-elle. L'occasion de confronter les préoccupations médicales d'ordre vital au souci des patients du sens et de la qualité de vie.

Un autre programme de recherche conduit au sein du Site de recherche intégrée sur le cancer (Cancer Research for PErsonalized Medicine, CARPEM) explore le concept de consentement dynamique, via le croisement de deux bases de données de patients. Pour le Pr Pierre Laurent-Puig, directeur du CARPEM, leur implication dans un continuum soin-recherche est une évolution incontournable. « Ils ne doivent pas être seulement les objets, mais aussi les constructeurs de l'outil de la recherche ». Ce qui en outre fait d'eux un relais sociétal des problématiques comme les datas, encore objets de tous les fantasmes.

Mais des freins restent à lever dans les mentalités de certains soignants. Les modalités de financement de ces nouveaux métiers restent à trouver et l'offre de formation doit encore se déployer voire s'institutionnaliser. À titre d'exemple, l'UDP, pourtant accueillie par Sorbonne-Université, vit grâce au mécénat, avec l'espoir d'obtenir une dotation pérenne gouvernementale. 

Coline Garré