Alors que la crise sanitaire a mis en lumière les dysfonctionnements du système de santé (suradministration, gestion verticale, cloisonnement), l'Institut Montaigne, think tank libéral, appelle à faire « le pari des territoires », en associant « plus étroitement » les collectivités locales et les professionnels de terrain à la prise de décisions.
De fait, en dépit d'investissements importants – la France consacre 12,4 % de son PIB aux dépenses de santé en 2020 – notre organisation « extrêmement centralisée » ne parvient pas à corriger les inégalités territoriales, souligne l'Institut Montaigne, qui a classé les départements en sept groupes homogènes – bien portants, désavantagés, dynamiques, enclavés, ruraux, ultramarins, vulnérables. Au sein du groupe des « désavantagés » par exemple, les dépenses moyennes par habitant (hospitalières et ambulatoires) représentent 2 052 euros dans la Drôme contre 2 767 euros dans les Bouches-du-Rhône. « Ces variations ont un impact significatif sur l’état de santé des habitants », souligne le rapport.
Le pari du think tank est que les acteurs de proximité (soignants, élus, patients) sont « les mieux placés » pour agir efficacement et proposer des prises en charges adaptées. D'où la nécessité de « leur donner l'autonomie et la liberté nécessaire pour construire les parcours de soins au niveau local », explique Laure Millet, responsable santé du programme santé à l’Institut Montaigne.
Approche managériale
Alors que la culture en silos (ville, hôpital, médico-social) reste omniprésente, la première recommandation du think tank consiste à « refonder la formation » des professionnels de santé – au début comme au cours de leur carrière – pour favoriser l’« approche globale » de la santé, y compris avec une dimension managériale.
Pour accorder davantage d'autonomie aux professionnels de santé dans leurs métiers et organisations de travail, le rapport préconise en leur faveur un « vaste mouvement de délégation de gestion et de tâches », permettant de promouvoir le principe de subsidiarité. Ce qui suppose de revoir les décrets de compétences de chaque profession pour monter en gamme à chaque échelon. « Il faut positionner chaque acteur sur les actes où ils ont la plus forte valeur ajoutée », insiste Laure Millet.
Mandat de santé publique
Dans cette réorganisation, les médecins de ville auraient un rôle « déterminant » dans la prise en charge de la population vieillissante et polypathologique. Les généralistes volontaires pourraient ainsi hériter d'un véritable « mandat de santé publique » incluant la mission de coordination, suggère l'Institut Montaigne. Ce qui commande au passage de « réinvestir en faveur de la médecine de ville en soutenant la pluriprofessionnalité », souligne le rapport.
Dans ce cadre, l'État, les collectivités locales et l'Assurance-maladie pourraient « contractualiser avec ces médecins volontaires sur un nombre d'objectifs attendus comme le suivi de la vaccination, des actes de prévention, la permanence des soins ou la coordination », expose Laure Millet, ajoutant que « leurs efforts doivent être valorisés ». Plusieurs pistes sont avancées : financement accru du secrétariat et des assistants médicaux, rémunération forfaitaire des missions, droit effectif au remplacement…
Le think tank propose que ces évolutions puissent être conduites par la voie d'expérimentations de conventions « à la carte » liant régions et professionnels de santé, y compris autour de nouveaux modes de rémunération (forfait, capitation, dotation qualité ou populationnelle). Ces premiers jalons de responsabilisation territoriale pourraient conduire à des « budgets de santé régionalisés », par le biais d'objectifs régionaux d'assurance-maladie (Ordam, souvent évoqués mais jamais concrétisés). « Les Ordam doivent se faire sur la base du volontariat », précise Laure Millet. Toutefois, l'État devra assurer un « cadre national », afin de donner visibilité et cohérence aux initiatives locales, notamment sur la santé numérique.
Vers un service public de santé territorial
Au-delà, le think tank appelle de ses vœux un « service public de santé territorial », dépassant l’approche par les statuts (libéral, hospitalier, salarié) et le cadre actuel de l’offre de soins. Comme la Fédération hospitalière de France (FHF), l'Institut Montaigne met en avant la mise en place d'une « responsabilité populationnelle » à l'échelle territoriale, un concept né au Québec qui vise « une meilleure santé, une meilleure prise en charge pour le patient, pour un moindre coût pour la société ». Là encore, cette responsabilité populationnelle suppose le dépassement du clivage ville/hôpital, un virage de la prévention et l'autonomie accrue des professionnels de santé de terrain.
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