Mediator : après des réquisitions sévères, le parquet réclame plus de 8 millions d'euros à Servier

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Publié le 24/06/2020

Crédit photo : S. Toubon

Après les plaidoiries des parties civiles, qui ont réclamé « pratiquement un milliard d'euros d'indemnisation », c'est au tour du parquet d'entamer depuis le 23 juin ses réquisitions contre les laboratoires Servier et l'Agence du médicament, jugés à Paris dans l'affaire du scandale sanitaire du Mediator.

Au cours d'un réquisitoire fleuve, la procureure Aude Le Guilcher n'a pas mâché ses mots pour ce procès « hors norme » non seulement « par le nombre de victimes potentiellement concernées » mais aussi « par l'extrême gravité du préjudice subi allant jusqu'à la mort ». Au cœur des débats, le médicament (benfluorex) commercialisé par les laboratoires Servier, présenté comme un antidiabétique mais prescrit hors AMM à cinq millions de personnes, est tenu pour responsable de graves valvulopathies et d’hypertensions artérielles pulmonaires, une pathologie rare et mortelle.

Cinq ans de prison pour l'ex-numéro 2 du laboratoire

À l’encontre du laboratoire Servier, la procureure a dénoncé les « manipulations, dissimulations, manœuvres » de la société pour « dissimuler » les propriétés anorexigènes du Mediator et maintenir « coûte que coûte » ce produit, remboursé par l'assurance-maladie. Pour ces motifs, elle a requis les peines d'amende maximales de 1,85 million d'euros chacune à l'encontre de la maison mère du groupe et contre la société Les Laboratoires Servier, poursuivies notamment pour « tromperie aggravée », « escroquerie » et « homicides et blessures involontaires ». Pour quatre autres sociétés du groupe, le parquet a également demandé des amendes de 4,5 millions d'euros au total. Ces peines représentent au total un montant de 8,2 millions qui n'inclut pas la somme de plus de 1 million d'euros de contraventions connexes requises pour blessures involontaires légères. Contre Jean-Philippe Seta, l'ancien numéro 2 de Jacques Servier, l'accusation a réclamé cinq ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursis et 200 000 euros d'amende.

Concernant l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM, ex-Afssaps), poursuivie pour avoir tardé à suspendre la commercialisation du Mediator en dépit d'alertes répétées sur sa dangerosité, le parquet a demandé une amende de 200 000 euros. À l'audience, l'organisme représenté par Dominique Martin avait assumé une « part de responsabilité » dans le « drame humain » du Mediator.

Ces réquisitions ont toutefois déçu l'un des avocats des parties civiles, Charles Joseph-Oudin, qui avait suggéré au tribunal de prononcer une interdiction d'exercer en France à l'encontre de Servier. Cette option a été écartée par le parquet, estimant qu'elle aurait eu « pour conséquence de sanctionner les salariés ». Le réquisitoire s'est poursuivi dans le volet conflits d'intérêts, pour lesquels sont poursuivis plusieurs anciens responsables et experts des autorités de santé.

Du 29 juin au 6 juillet, ce sera au tour de la défense d'exposer ses plaidoiries avant la mise en délibéré. Le jugement est attendu en 2021.

Avec l'AFP

Source : lequotidiendumedecin.fr