Olivier Véran a dû jouer les équilibristes ce vendredi 18 décembre lors du deuxième comité de suivi du Ségur de la santé.
Alors que la contestation n'est pas éteinte à l'hôpital – et quelques jours seulement après le vote chaotique d'une proposition de loi censée traduire certaines mesures du Ségur – le ministre de la santé a fait le service après-vente de ce chantier et posé les jalons pour 2021. « Des engagements forts ont été pris cet été et j'ai tenu à ce qu'on veille scrupuleusement à leur mise en œuvre », a-t-il déclaré en introduction d'une visioconférence avec les partenaires sociaux.
Versements anticipés
Le neurologue a d'abord insisté sur l'importance des moyens mis sur la table : 8 milliards d'euros en revalorisations et 19 en investissements. « Pas de la petite paillette cosmétique », a-t-il vanté. Hausse de 183 euros net mensuels pour les paramédicaux, revalorisation de l'indemnité d'engagement de service public exclusif (IESPE) et remodelage de la grille pour les praticiens hospitaliers (PH) mais aussi augmentation des émoluments de base pour les internes et les étudiants : au total, près de deux millions de professionnels sont concernés. Le calendrier initialement prévu a même été accéléré pour avancer à décembre le versement complet de ces revalorisations.
Olivier Véran assume parler « sans fausses pudeurs » de « la case en bas à droite de la fiche de paie ». Est-il prêt pour autant à faire un pas vers les syndicats de PH qui dénoncent l'injustice des reclassements dans la nouvelle grille de rémunération ? « Ce sujet-là ne fait pas l'objet de discussions à l'heure actuelle », cadre son cabinet.
Les « oubliés » protestent
Pas d'engagement supplémentaire non plus pour « celles et ceux qui n'ont pas eu ces revalorisations » même si Olivier Véran leur garde la porte ouverte. Ironie du calendrier, au même moment des médecins du privé non lucratif manifestaient ce vendredi devant le ministère, à l'initiative de la conférence nationale des présidents de commission médicale d'établissement (CME) de ce secteur.
Côté investissements, Olivier Véran a rappelé l'enveloppe de 650 millions d'euros dédiée aux achats du quotidien à l'hôpital, effective dès janvier. Il a aussi évoqué les 50 millions d'euros répartis entre les agences régionales de santé (ARS) pour permettre l'ouverture de 4 000 « lits à la demande » en fonction des besoins.
Concernant les hôtels hospitaliers, ces hébergements non médicalisés à proximité des établissements de santé, après leur extension dans le budget de la Sécu pour 2021, un décret est promis pour le premier trimestre 2021 avec un cahier des charges précis.
Faire confiance aux professionnels
Passés ces satisfecit, Olivier Véran a donné les orientations pour l'année à venir et rappelé aux plus inquiets que les autres chantiers du Ségur ne sont pas enterrés.
Côté attractivité, des travaux ont été lancés sur la refonte des grilles des paramédicaux et l'extension des compétences des infirmières en pratique avancée (IPA). C'est le cas aussi du travail sur les carrières hospitalo-universitaires tout comme la réforme des statuts médicaux censée faciliter l'exercice mixte ville/hôpital. La création de trois nouveaux échelons en fin de carrière pour les PH est à l'ordre du jour dès le 1er janvier 2021.
La gouvernance hospitalière va également bouger en 2021. Avec la proposition de loi Rist, le service sera replacé au centre de l'organisation des soins à l'hôpital (comme unité fonctionnelle de référence). Et davantage de marge de manœuvre sera donnée aux établissements pour fusionner s'ils le souhaitent, la CME et la commission des soins infirmiers, de rééducation et médicotechniques (CSIMRT) au sein d'une commission médico-soignante. Olivier Véran assume vouloir « donner de la souplesse » et « faire confiance aux professionnels de santé ». Pour le reste des mesures issues du rapport du Pr Olivier Claris, une ordonnance sera publiée avant la fin du premier trimestre 2021.
Financement : changement de paradigme
Le financement de la santé aussi devrait connaître des évolutions majeures. « J'aurais l'occasion de présenter en tout début d'année prochaine la nouvelle doctrine de la gestion des investissements en santé avec une déconcentration massive des enveloppes auprès des ARS », a annoncé le ministre. Celles-ci devraient hériter de nouvelles compétences pour accompagner plus en amont les projets locaux. Olivier Véran installera les instances de ce « changement de paradigme » début 2021.
La réforme du financement des activités de psychiatrie et de soins de suite et de réadaptation (SSR), prévue pour le 1er janvier 2020, est reportée d'un an. Mais le gouvernement ne veut pas donner l'idée d'un projet enterré. « Il ne s'agit pas d'un report sine die, les textes paraîtront au premier trimestre pour la psychiatrie et au deuxième pour les SSR », assure-t-on dans l'entourage du ministre de la Santé.
S'agissant de la réforme de l'objectif national de dépenses d'assurance-maladie (ONDAM), le locataire de Ségur attend les conclusions d'un travail du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance-maladie (HCAAM) pour avril 2021.
Les 1 000 CPTS « en bonne voie »
Olivier Véran a enfin confirmé quelques étapes de réforme des soins de ville. Dès janvier 2021, 22 sites pilotes expérimenteront le futur service d'accès aux soins (SAS). Le développement des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) va se poursuivre. L'objectif de 1 000 structures en 2022 « est en bonne voie », assure le ministère. Il en existait 578 en juin 2020, un nouveau point d'étape aura lieu dès janvier.
Quant aux négociations en cours entre les syndicats de professionnels de santé libéraux et la CNAM, en pause côté médecins, elles « reprendront, bon pied bon œil, après les élections professionnelles », promet Olivier Véran.
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