Mortalité infantile et maternelle, risques infectieux

La France a le mal de l’Outre-mer

Publié le 16/06/2014
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Crédit photo : AFP

Pluriels, les Outre-mer Français ont en commun de jouir d’une situation sanitaire « incomparablement meilleure que beaucoup de pays qui les entourent », soulignent les Sages de la rue Cambon en introduction. Plus (Réunion, Antilles) ou moins (Guyane, Mayotte) aisément, ils sont pris dans un mouvement de rattrapage par rapport à la métropole. Mais ils se heurtent à des difficultés sanitaires persistantes.

La surmortalité infantile est prégnante dans tous les Outre-mer, avec des taux variant de 4,1 pour 1 000 naissances (Nouvelle-Calédonie) à 9,9 ‰ (Guadeloupe, contre 7,9 en 2011) voire 16,1 ‰ (Mayotte), contre 3,3 ‰ en métropole. La mortalité maternelle est de 5 décès pour 10 000 naissances à Mayotte et de 2,6 à La Réunion (- de 0,8 en métropole). Les grossesses sont plus précoces et nombreuses, le taux de prématurés est deux fois supérieur à celui de la métropole, comme le taux d’interruption volontaire de grossesse (IVG).

Les Outre-mer sont confrontés à des infections à transmission vectorielles. En 2010, la dengue a touché 10 % de la population guadeloupéenne et martiniquaise. En 2005-2006, le chikungunya a contaminé 38 % des Réunionnais et des Mahoraix. En 2013, une épidémie de zika s’est déclarée dans les îles de Polynésie française. Le paludisme est endémique en Guyane, la tuberculose et les hépatites y sont récurrentes.

Les Antilles-Guyane connaissent un taux d’incidence du VIH très élevé de 59 pour 100 000 habitants (contre 39 en Ile-de-France et 11 dans le reste de la métropole). Les infections sexuellement transmissibles sont recrudescence (6 fois plus de personnes porteuses de chlamydia en Nouvelle-Calédonie qu’en métropole).

Les maladies chroniques (diabète de type 2, insuffisance rénale) sont plus fréquentes, en lien avec l’augmentation des cas de surpoids ou d’obésité. En Guadeloupe, les maladies cardio-vasculaires sont la première cause de mortalité (29 %).

Des pathologies plus ou moins rares (leptospirose, rhumatisme articulaire aigu, drépanocytose) sont courantes, les risques environnementaux, multiples (pesticides, mercure, amiante, chlordécone aux Antilles).

Enfin, la santé publique des Outre-mer est grevée par des conduites addictives spécifiques, marquées par la précocité des consommations, en particulier d’alcool, la production de dérivés de cannabis, et des polyconsommations

Les inégalités minent le système de santé

La Cour des comptes dénonce la quasi-absence de prévention, abandonnée derrière la prise en charge des urgences et la médecine curative. Dans les quatre DOM (hors Mayotte), la caisse nationale d’assurance-maladie a consacré de 2009 à 2012 6,4 millions d’euros par an aux programmes développés sur un plan national (40 centimes par an et par habitant pour l’enveloppe consacrée au cancer colorectal en Guyane et à la Réunion), des sommes « erratiques », reconnaît-elle.

D’importantes disparités existent en matière de protection maternelle et infantile (PMI), développée en Guadeloupe, très insuffisante à Mayotte, où seulement 80 % des moins de 6 ans sont vaccinés, faute de médecins libéraux. Des disparités aussi perdurent entre les services de santé scolaire et universitaire ou dans l’accès aux soins ambulatoires.

Les inégalités de répartition territoriale des 5 832 médecins actifs (51 % de libéraux) sont considérables : en 2012, la Guyane n’avait que 71 praticiens actifs pour 100 000 habitants, soit 2,5 fois mois que La Réunion (contre 114/100 000 en métropole). Situation d’autant plus dramatique que les densités médicales les plus faibles se situent dans les cantons défavorisés. Le développement des coopérations interprofessionnelles et le déploiement des maisons de santé pluridisciplinaires devraient être une priorité, estime la Cour : seulement deux existent en Martinique et en Guyane. Pour rééquilibrer les densités, les sages vont jusqu’à préconiser la régulation à l’installation pour les médecins.

Enfin, le rapport dénonce un « hospitalocentrisme coûteux » aux finances galopantes : personnels non médicaux en sureffectif, instabilité des équipes médicales, fréquentes vacances de postes et une offre de soins très disparate, avec des carences dans certaines spécialités (psychiatrie).

La Cour des comptes appelle donc l’État à adopter une stratégie d’ensemble plus efficace que celle du « plan santé outre mer » établi en 2009, qui a brillé par son absence d’objectifs précis, de programmation financière et de dispositif d’évaluation. « Pour assurer l’égalité à la santé dans la République, un programme pluriannuel de santé publique pour les outre-mer s’impose », articulé à la stratégie nationale de santé recommande-t-elle. Et de sonner l’alerte au sujet de Mayotte, la Guyane, Saint-Pierre-et-Miquelon, et Wallis-et-Futuna.

Repères

Outre-mer : 5 départements (Martinique et Guadeloupe aux Antilles, Guyane, la Réunion, Mayotte) et 6 collectivités (Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, Wallis-et-Futuna, Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre et Miquelon).

2,7 millions d’habitants, soit 4 % de la population totale de la France.

Projection en 2027 : 3,2 millions d’habitants.

Densités des généralistes libéraux par 100 000 habitants

Guadeloupe : 80, Martinique : 81, Guyane : 47, La Réunion : 117, Mayotte : 13, Métropole : 106.

En complément

Source : Le Quotidien du Médecin: 9335