Une revue systématique publiée dans le Lancet en 2018 (1) précise l’évolution de l’incidence et de la prévalence des MICI dans le monde. De 1990 à 2016 dans les pays industrialisés la prévalence a augmenté, mais l’incidence est restée stable après une augmentation significative dans la 2e moitié du 20e siècle.
En France, EPIMAD surveille les 6 millions d’habitants du Nord, Pas-de–Calais, Somme et Seine-Maritime depuis 1988. « C’est la plus importante étude épidémiologique au monde sur les MICI. Ce registre témoigne d’une incidence stable de la rectocolite hémorragique (RCH) depuis 1988 (4,5/105 habitants) ; d’une incidence stable de la maladie de Crohn (MC) depuis l’an 2000 (7,7/105 habitants) après une forte augmentation (2) de 1988 à 2000 ; et d’une incidence qui a explosé (3) de 2008 à 2011 dans la tranche d’âge 10-16 ans (MC : +4 %/an, RCH : +11 %/an) », indique le Dr Gower-Rousseau.
Le facteur alimentation
Les MICI semblent multifactorielles : flore intestinale, système immunitaire, susceptibilité individuelle (génétique ou aux facteurs environnementaux : alimentation, tabac, pollution, conditions de vie, stress, etc.)… Quel rationnel pour éventuellement incriminer l’alimentation ? « La barrière intestinale constituée d’une couche de mucus, principale défense de l’organisme et de cellules épithéliales aux jonctions serrées est normalement renforcée par le microbiote. Des toxiques alimentaires et/ou une dysbiose favorisée par l’alimentation pourraient altérer la barrière, permettre la translocation de bactéries et contribuer à la maladie» indique le Dr Bonnaud. Chez la souris (4), un régime pauvre en fibres oblige le microbiote intestinal à se nourrir des glycoprotéines du mucus sécrétées par l’hôte (la barrière s’érode et facilite la translocation). Divers additifs peuvent altérer la barrière intestinale. La maltodextrine (épaississant et édulcorant extrait de végétaux) peut sous forme raffinée éroder la couche de mucus. Consommer des aliments transformés contenant de la maltodextrine pourrait être un des facteurs environnementaux d’amorçage des MICI (5). Le carraghénane (issu d’algues) augmente la texture de produits laitiers et sauces. Il pourrait induire (6,7) une perméabilité intestinale, mais rien n’est certain (8)…
Établir un lien de causalité entre un aliment et la maladie est difficile (8): une association ne fait pas un lien de causalité, la transformation industrielle des aliments qui associe les expositions fausse les pistes (matières grasses + émulsifiants, produits laitiers + émulsifiants et épaississants, viandes transformées + conservateurs), enfin les expositions longitudinales à un aliment sont sujettes à caution.
Alors quelle alimentation conseiller en prévention Iaire et IIaire des MICI ? « Un régime pauvre en fibres et en lactose peut améliorer les signes fonctionnels lors des poussées sévères et des sténoses symptomatiques. Hors poussées, 3 conseils peuvent être donnés aux patients. D’abord de limiter les graisses animales, les aliments transformés et glucides transformés. Ensuite de privilégier une alimentation variée de type méditerranéen (huile d’olive, fruits et légumes, poisson…). Enfin d’éviter le régime Végan qui majore les carences », préconise le Dr Bonnaud.
(1) Ng SC. et al., Lancet 2018;390(10114):2769-2778
(2) Molinié F. et al., Gut 2004;53(6):843-8
(3) Ghione S. et al., Am J Gastroenterol 2018;113(2):265-72
(4) Desai MS. et al.. Cell 2016;167:1339-1353.
(5)Nickerson KP. et al., PLoS One.2014;9:e101789
(6) Fahroum L. et al., Mol Nutr Food Res 2017;61(3)
(7) David S et al., Food Funct 2018;9(3):1344-1352
(8) Levine A et al.. Gut. 2018;67:1726-1738
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