UNE PAGE blanche : « J’ai peint des oiseaux mais ils se sont envolés. » Un drôle de personnage qui tire ce qui pourrait être, avec beaucoup d’imagination, un ballon ou un cerf-volant : « On ne peut pas éviter la souffrance, mais la tragédie est en option. » « La Vie enfouie » rassemble 80 peintures de malades d’Alzheimer avec, chaque fois, un commentaire qu’ils ont fait eux-mêmes.
On doit cet album poétique et positif à la rencontre d’un psychiatre spécialiste de l’Alzheimer, Patrick Dewavrin, et d’un peintre, Bruno Sari. Le premier a créé en 1990 le deuxième établissement français spécialisé dans la prise en charge de la maladie, La Villa d’Épidaure ; pendant 17 ans, il a formé des équipes soignantes et pris en charge de nombreux malades à tous les stades de la pathologie. Le deuxième, artiste autodidacte, anime depuis 2003 des ateliers de « Dessins-dialogues » avec des personnes désorientées atteintes d’Alzheimer.
« La maladie d’Alzheimer ne signifie pas la fin de la vie psychique et de tout plaisir relationnel », souligne Patrick Dewavrin. Les peintures en témoignent, par leur richesse et leur créativité. Elles expriment un mouvement intérieur, des désirs secrets, une vie psychique encore active ; elles sont une forme de résilience. La mémoire est « une commode à cinq tiroirs », résume le psychiatre : la mémoire de travail, très courte, qui se situe dans le lobe préfrontal ; la mémoire épisodique, les souvenirs personnels, la première à être touché, qui se situe dans l’hippocampe ; la mémoire sémantique, les connaissances générales, qui est conservée au premier stade de la maladie ; la mémoire procédurale, celle des gestes ; et enfin la mémoire implicite, celle de l’inconscient, qui est le plus longtemps conservée.
Les explications du Dr Dewavrin éclairent les comportements des malades, leur complexité et, donc, la richesse expressive que mettent en évidence leurs peintures. Le médecin raconte aussi des anecdotes éclairantes qui, comme il l’écrit, sont « un message d’optimisme et un hommage aux capacités d’adaptation de notre cerveau lorsqu’il est endommagé ». Comme celle de ce général qui était le malade Alzheimer le plus difficile à coucher. Jusqu’à ce qu’un jeune aide-soignant, que ses collègues pensaient bizuter en lui confiant cette tâche, dise « Mon général, extinction des feux, on se couche ! » Le langage militaire, qui était inscrit dans la mémoire sémantique du général, lui avait soufflé la conduite adaptée : aller dans sa chambre et se coucher sans une protestation.
Patrick Dewavrin, Bruno Sari, « La Vie enfouie - Peintures de malades d’Alzheimer », Fleurus, 160 p., 29 euros. Sur chaque achat, 1,20 euro sera reversé à la recherche sur la maladie d’Alzheimer.
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