S’il ne peut, pour l’heure, être recommandé pour la mise en place d’un programme de dépistage organisé du cancer broncho-pulmonaire (CBP), le scanner thoracique faible dose (STFD) pourrait constituer un outil de sensibilisation des fumeurs et d’incitation au sevrage tabagique, juge un rapport de la commission de cancérologie de l’Académie nationale de médecine (ANM), rendu public le 22 février.
En 2016, la Haute Autorité de santé (HAS) s’était déjà penchée sur la pertinence d’un programme de dépistage dédié au CBP, similaire à ceux mis en place (col utérin, sein, colorectal). Les données étudiées à l’époque apparaissaient contradictoires selon les essais et n’avaient pas permis d’évaluer la balance bénéfice/risque d’un tel dispositif.
Bénéfices incertains d'un dépistage organisé
Depuis, d’autres données ont été rendues disponibles. Les membres de l’Académie ont notamment examiné les résultats d'un essai randomisé mené en Europe et offrant un recul de 10 ans. Les résultats de l’essai néerlando-belge Nelson, publiés dans le « NEJM » en février 2020, montrent une réduction « significative » de 25 % en moyenne de la mortalité liée au CBP chez les hommes. Chez les femmes, le recul de 33 % de la mortalité est jugé non significatif en raison d'un échantillon trop faible.
La commission de cancérologie a également pris en compte les résultats de l'essai randomisé américain « National Lung Screening Trial » (NLST, 2019). Il montrait, à 12 ans, une baisse non significative de 8 % de la mortalité chez les hommes suivis par STFD (versus suivis par radiographie), et une « réduction significative persistante de 20 % chez les femmes », souligne l'ANM, notant que la mortalité globale ne différait pas de façon significative entre les groupes (différence de 4,2 %).
Ces résultats motivent certains professionnels a demandé une révision de la position de la HAS en faveur de la mise en place d'un dépistage organisé. L'Académie est plus nuancée : « en France, le dépistage pourrait au mieux réduire de 25 % la mortalité à 10 ans par CBP, soit, avec une participation de 100 %, 55 000 décès sur les 220 000 constatés entre 50 et 75 ans. Il n’aurait cependant aucun effet sur les 500 000 décès liés aux autres pathologies causées par le tabac ».
La mise en place d’un programme de dépistage organisé se heurterait par ailleurs à plusieurs inconnues non éclairées par les données disponibles : définition d’une population cible, taux de participation souhaitable, fréquence et type de tests, interprétation des tests, indications diagnostiques et thérapeutiques pour les tests positifs et formation des radiologues.
Les tests permettant l’identification des lésions devraient également être préalablement « définis en termes de sensibilité, spécificité et valeur prédictive positive », est-il souligné. Les effets nocifs des tests (faux positifs et faux négatifs, mais aussi surdiagnostics, surtraitements, risques d’irradiation et conséquences psychosociales des résultats) doivent encore être évalués.
Le bénéfice et la rentabilité d’un tel dépistage ne sont pas non plus établis. « La proportion de CBP à phase latente longue est faible », rappelle l’Académie. Le dépistage organisé ne permettrait donc pas de détecter beaucoup de patients précocement. De plus, « les taux de curabilité ne sont importants (85 % de survie à 10 ans) que dans les stades initiaux IA et IB », poursuivent les auteurs.
L’arrêt du tabac, « l’intervention la plus rentable en médecine ! »
Dans ce contexte, la meilleure stratégie pour réduire la mortalité par CBP reste la promotion de l’arrêt du tabac, « l’intervention la plus rentable en médecine ! », est-il relevé. Et c’est dans cette optique de prévention individuelle que la pratique du STFD pourrait jouer un rôle. Au vu des doses réduites d’irradiation qu’il délivre, « cet examen, permettant un bilan de santé des fumeurs, pourrait aussi aider au suivi actif du sevrage tabagique », une image valant « mieux qu’un long discours », est-il estimé.
Autre bénéfice du recours au STFD en prévention individuelle chez les fumeurs : « à côté de la découverte de nodules pulmonaires suspects, les STFD, associés à l’intelligence artificielle (IA), permettent de détecter d’autres lésions des organes intra-thoraciques comme la bronchite chronique, de quantifier l’emphysème pulmonaire et les calcifications coronaires et de mesurer le diamètre de l’aorte à différents niveaux ». Au-delà d’un dépistage du CBP, l’enjeu est bien d’« aider les fumeurs de longue durée à décider d’arrêter de fumer et ainsi améliorer leur survie ».
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