Douleur en cancérologie
Etre à l'écoute de son patient pour mieux le traiter
C OMME le rappelle le Dr Dominique Delfieu, « la douleur est une expérience sensorielle et une émotion désagréable, en rapport avec une lésion tissulaire réelle ou potentielle ou décrite comme telle... ». Le médecin généraliste est en première ligne pour sa prise en charge. « Cette dernière doit être en adéquation avec les pratiques ayant fait l'objet de consensus, elle doit intégrer l'arsenal thérapeutique contemporain », affirme-t-il.
200 000 nouveaux cas de cancers chaque année en France
Soixante-dix pour cent des douleurs sont liées à l'évolution tumorale et « 200 000 nouveaux cas de cancers sont diagnostiqués chaque année en France. Quelle est la prévalence de la survenue de la douleur dans cette pathologie ? Quel est le mécanisme physiopathologique en cause ? », interroge le Dr Alain Serrie.
Selon le spécialiste, les douleurs liées aux cancers sont fréquentes, plus particulièrement dans les lésions de la tête et du cou, un peu moins lorsque les lésions siègent au niveau des organes hématopoïétiques. Soixante-dix pour cent des douleurs sont liées à l'évolution tumorale, 20 % sont en rapport avec le traitement de la cause - dans ce cas, ce sont des douleurs neurogènes de désafférentation -, 10 % sont sans rapport avec la maladie.
Une étude qui avait porté sur 605 patients montrait que 60 % présentaient des douleurs cotées de 4 à 7 sur une échelle visuelle analogique, 30 % des patients étaient sans traitement. « Cette étude mettait en lumière l'inadéquation entre ce que ressentait le malade et l'appréciation qu'en avait le médecin : la douleur était de fait sous-évaluée, on assistait à une inadaptation du traitement, affirme le Dr Alain Serrie. La stratégie de prise en charge est simple, souligne le spécialiste, il s'agit d'écouter, d'interroger, d'examiner, d'évaluer l'intensité de la douleur et la traiter. »
Une douleur d'origine mixte
La douleur d'origine néoplasique est en général mixte, associant un excès de nociception et des douleurs neurogènes par désafférentation. La première est liée à une hyperstimulation des nocicepteurs ; « la douleur par excès de nociception a une topographie régionale et a un rythme mécanique ou inflammatoire, l'examen neurologique est en général normal ; ce type de douleur répond aux trois niveaux d'antalgie définis par l'OMS. La seconde est une atteinte centrale ou périphérique du système nerveux central. L'examen neurologique révèle des troubles objectifs de la sensibilité, la douleur est continue avec des accès fulgurants intermittents sous forme de dysesthésies. La lésion neurologique peut intéresser un tronc nerveux, une racine, voire un hémicorps », précise le Dr Serrie. L'interrogatoire et l'examen clinique suffisent pour faire le diagnostic. La douleur se modifiant avec l'évolution de la maladie, il faut alors la réévaluer pour modifier le schéma thérapeutique.
Aussi, l'unité douleur aux urgences de l'hôpital Gustave-Roussy répond à ce besoin : « Le nombre de consultations a été multiplié par 5,5 en dix ans, affirme le Dr Pierre Ruffie. Elle est le reflet de la prise en charge des patients en ambulatoire. Les différentes études réalisées à l'IGR montrent que le motif principal de consultation est la douleur, la douleur osseuse représentant un tiers des cas. A la suite de cette consultation, environ 50 % des patients sont hospitalisés. » L'IGR lance une étude prospective épidémiologique en 2001 sur les douleurs aux urgences : l'origine, les antécédents douloureux, la description de la douleur et les traitements feront partie des informations recueillies.
D'après la séance plénière parrainée par les Laboratoires Janssen-Cilag, à laquelle ont participé les Drs Dominique Delfieu (médecin généraliste, MG Cancer, Paris), Alain Serrie (centre de traitement de la douleur, hôpital Lariboisière, Paris), Pierre Ruffie (chef des urgences de l'institut Gustave-Roussy, Villejuif) et Régis Patte, directeur médical de l'HAD de l'AP-HP.
HAD : le projet de soins s'inscrit dans le projet de vie du malade
L'hospitalisation à domicile (HAD) se décline selon trois aspects : clinique, psychologique et social. Le projet thérapeutique fait appel à un projet de soins et s'inscrit dans le projet de vie du malade ; « toute prise en charge de la douleur passant par son évaluation quantitative et qualitative », a souligné le Dr Régis Patte. Une étude réalisé chez 286 malades pris en charge par l'HAD a montré que 48 % d'entre eux étaient de sexe féminin ; les premiers cancers pris en charge étaient des cancers digestifs, mais aussi ORL, du sein, urologiques. Vingt-sept pour cent des patients avaient une chimiothérapie à domicile. Parmi ces malades, 137 étaient algiques, 51 % ne recevaient pas d'antalgiques, 22 % étaient sous antalgiques de palier III selon la classification de l'OMS.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature