Alertes épidémiques : irremplaçable généraliste

Publié le 18/03/2001
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L'ÉPIDÉMIOLOGIE doit beaucoup aux généralistes. Ceux-ci, rappelle le Dr Laurent Letrilliart (réseau Sentinelles, INSERM U444) représentent 50 % des médecins français, mais prennent en charge à eux seuls 90 % des problèmes de santé, en assurant 60 % des consultations et 98 % des visites de praticiens à travers l'Hexagone.

Ils assurent donc, souligne le Pr Jacques Drucker, un « rôle de première ligne dans la remontée des informations de terrain qui permettent tout à la fois de déclencher les alertes sanitaires, en lançant les investigations et les mesures de contrôles appropriées, et d'effectuer les analyses épidémiologiques indispensables pour orienter la politique de santé publique ».
C'est particulièrement flagrant avec le « vieux système » du signalement des 23 maladies à déclaration obligatoire.
« La notification est faite par le médecin qui a posé le diagnostic, rappelle le Dr Brigitte Helynck (InVS), à l'aide d'un formulaire déclaratif spécifique à chaque pathologie. En l'adressant au médecin-Inspecteur de la DDASS, il permet le déclenchement d'action nécessaires à la protection de la population et évite la multiplication des cas secondaires, dans des pathologies où la contagion impose une grande réactivité (méningite à méningocoque, légionelloses, listérioses, toxi-infections alimentaires collectives). »
Ces fiches, complétées le cas échéant avec des informations complémentaires réunies par la DDASS, font l'objet d'une transmission télématique à l'InVS, où elles vont nourrir des analyses sur les moyen et long termes. Par la suite, elles donneront lieu à une rétro-information hebdomadaire (« Bulletin épidémiologique hebdomadaire » et site Internet www.invs.sante.fr) et annuelle (« Bulletin épidémiologique annuel »).Enfin, ces données alimenteront les synthèses de santé publique dressées aux niveaux européen (bulletin « Eurosurveillance ») et mondial (relevé de l'Organisation mondiale de la santé).
Parallèlement à ce système à prétention exhaustive, depuis 1984, à l'initiative de l'INSERM, le réseau de surveillance sentinelle constitue, selon le Pr Drucker, « un outil majeur pour l'épidémiologie », là encore grâce aux généralistes et même uniquement grâce à eux. Les lecteurs du « Quotidien » connaissent bien la page publiée le jeudi à partir des informations fournies par des médecins bénévoles et volontaires installés dans toute la France. Chaque semaine, « ils saisissent et transmettent par Internet ou par télématique des données concernant certains problèmes de santé diagnostiqués dans leur clientèle, explique le Dr Laurent Letrilliart. Les séries statistiques qui s'ensuivent permettent de faire des recherches biostatiques innovantes, notamment sur la mise au point de nouveaux outils d'alerte épidémique ou sur la représentation cartographique de la morbidité. »
Le tableau, cependant, n'est pas toujours idyllique, entre les généralistes et les épidémiologistes. Si les seconds doivent tant aux premiers, ils ne leur marquent pas toujours, en retour, la considération qu'ils méritent. En témoigne, amer, le Dr Jean-Claude George (Souilly, en Moselle) qui s'est longuement plaint de n'avoir reçu aucun accusé de réception à la déclaration qu'il a faite, en 1998, de deux cas d'ehrlichiose à granulocyte et d'un cas de de rickettsiose, maladies à forte morbi-mortalité aux Etats-Unis. « Une expérience solitaire qui interpelle les autorités sanitaires », observe le Pr Drucker.

Christian DELAHAYE

Source : lequotidiendumedecin.fr: 6879