LE QUOTIDIEN : Deux ans après la signature de l'accord conventionnel interprofessionnel (ACI) des maisons de santé, quel est le bilan ?
Dr PASCAL GENDRY : Il est très encourageant : 686 maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) sont conventionnées avec la Sécurité sociale, soit 28 % de plus par rapport à 2018 où il y en avait 538. Cela traduit la maturité des équipes pour répondre plus rapidement aux exigences de cet accord conventionnel – en termes d'accès aux soins [horaires, soins non programmés], de système partagé d'information et de coordination des équipes [concertation autour de cas complexes, protocoles]. Aujourd'hui, les MSP mettent deux à trois ans au lieu de six ans pour atteindre les objectifs socles de l'ACI grâce au meilleur accompagnement des agences régionales de santé (ARS), de l'assurance-maladie et de notre Fédération.
L'objectif du gouvernement est d'atteindre 2 000 structures d'exercice coordonné conventionnées dès 2022. Quels sont les obstacles ?
D'abord, les aides des ARS sont orientées fortement vers les zones sous-denses. C'est un frein prioritaire à lever. Avec le développement des pathologies chroniques et du vieillissement, les patients ont besoin d'avoir partout des équipes de soins primaires pour les prendre en charge.
Ensuite, certains indicateurs de l'ACI, comme le système d'information partagé, devraient être révisés pour tenir compte des évolutions comme l'interopérabilité avec les plateformes de la e-santé et les outils de communication développés dans le cadre des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS).
Enfin, pour inciter les professionnels de santé à entrer dans les équipes de soins primaires, il faudrait faire évoluer la société interprofessionnelle de soins ambulatoires (SISA) pour permettre de distribuer des forfaits entre les différents professionnels. C'est une attente très forte.
Le projet de loi de santé prévoit de nouveaux partages des tâches (avec les pharmaciens, les infirmiers, etc.). Est-ce de nature à créer des tensions au sein des équipes ?
Le gouvernement va loin dans le pluriprofessionnel, au-delà des résistances corporatistes sur les infirmiers en pratique avancée [IPA] ou le rôle des pharmaciens dans la délivrance de certains médicaments à prescription obligatoire.
Aujourd'hui, je constate que les équipes pluriprofessionnelles arrivées à maturité trouvent leur équilibre dans les diverses coopérations. La vaccination peut être confiée à un infirmier ou à un pharmacien de l'équipe si la pratique est protocolisée, traçable, sécurisée. Je suis favorable à ces pratiques si elles sont encadrées et protocolisées dans l'activité des équipes de soins primaires.
Pour créer un nouveau collectif de soins, le projet de loi de santé met en avant les CPTS et non pas les maisons de santé. Comment vivez-vous cette situation ?
Comme un oubli regrettable ! Les professionnels qui exercent au sein des MSP ont besoin d'entendre que cette organisation en équipe reste une priorité majeure. Le gouvernement est pressé par les problématiques d'accès aux soins et l'effet "gilets jaunes". Du coup, il décrète la création de 1 000 CPTS avec un financement pérenne et les partenaires conventionnels négocient rapidement des missions à la place des professionnels eux-mêmes...
En réalité, pour éviter de créer des CPTS « coquilles vides », il faudrait investir d'abord pour structurer toutes les équipes de soins primaires existantes. Je pense qu'on n'a pas été au bout de la logique pour se servir des MSP comme d'un levier d'organisation des soins. Avec les CPTS, on a mis la charrue avant les bœufs !
Ces groupements de libéraux risquent-ils de faire de l'ombre aux maisons de santé ?
Non, si on part d'une ou plusieurs maisons de santé pour construire une CPTS. Aujourd'hui, les communautés qui fonctionnent correctement sont impulsées par la dynamique des MSP !
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