Classique
C OMME chaque année le chorégraphe Jiri Kylian revient au Palais Garnier pour le plus grand bonheur de ses admirateurs. Cette fois, ce n'est pas avec sa troupe le Nederlands Dans Theater mais à la tête du Ballet de l'Opéra de Paris qu'il reprendra une pièce du répertoire, « Doux mensonges », et assurera l'entrée au répertoire de deux de ses chorégraphies plus anciennes.
« Doux mensonges », créé en 1999 par le Ballet de l'Opéra de Paris, est une réussite totale, une pièce où l'on exprime des sentiments concrets et contemporains sans jamais arrêter de danser dans des éclairages de rêve. Kyli[135]n y utilise la vidéo pour suivre les évolutions souterraines des deux couples danseurs et de chanteurs interprétant du chant géorgien et de merveilleux madrigaux de Gesualdo et Monteverdi, utilisés également comme participants à l'action. « Impossibilité pour l'homme et la femme d'être ensemble comme de vivre séparés », annonce le chorégraphe en guise d'argument et c'est bien ce qui se déroule dans les évolutions en symétrie puis individuelles de ces deux couples qui seront incarnés pour cette reprise par Lionel Delanoë, Wilfrid Romoli, Clairemarie Osta et Céline Talon ou Fanny Gaïda, Delphine Moussin, Manuel Legris et Nicolas Le Riche.
« Bella Figura », créé par le Nederlands Dans Theater en 1995 et présenté par eux en 1997 au Palais Garnier, qui entrera au répertoire du Ballet, est une suite de tableaux encadrés par des rideaux sur un montage musical baroque (Pergolese, Marcello et Torelli) et de Lukas Foss.
La dernière pièce, « Stepping Stones », créée par le Ballet de Stuttgart en 1991 sur des musiques enregistrées de John Cage et Anton Webern, est un hommage à la tradition de la danse en Australie qui fera aussi son entrée au répertoire du ballet de l'Opéra de Paris. Beau triptyque en perspective.
Opéra-Garnier (08.36.69.78.68) les 23, 26, 28, 29, 31 mars ; 3, 4, 16, 18, 19 et 21 avril à 19 h 30 ; le 25 mars à 15 h. Prix des places : de 30 à 355 F.
« Cendrillon à l'opéra » au Palais Garnier
La bibliothèque-musée de l'Opéra de Paris, au Palais Garnier, raconte dans une exposition, « Cendrillon à l'Opéra », les avatars du conte de Perrault sur les scènes lyriques, chorégraphiques et dramatiques. Cette rétrospective d'une centaine de pièces - livrets d'opéras, dessins de costumes - fait écho à l'exposition « Les contes de fées » de la Bibliothèque nationale de France Richelieu.
L'exposition rappelle les adaptations du conte « Cendrillon », dans le domaine lyrique : de l'opéra-comique « galant » d'Anseaume en 1759 au malicieux opéra pour enfants de Peter Maxwell Davies qui fut donné par l'Opéra de Paris en 1986 Salle Favart. Depuis près de trois siècles, Cendrillon chante et danse, soutenue par les partitions de l'Italien Rossini, des Français Nicolo et Massenet et du Russe Prokofiev. La musique pour ballet de ce dernier compositeur a inspiré à Rudolf Noureev en 1986 une chorégraphie transposant l'action à Hollywood qui est toujours au répertoire du Ballet de l'Opéra de Paris. « Cendrillon à l'Opéra » invite aussi à une réflexion sur cette histoire que Freud et son école ont appris à décrypter et à prendre au sérieux.
Bibliothèque-musée de l'Opéra de Paris, Palais Garnier, du 20 mars au 17 juin.
La saison 2001-2002 du Châtelet
Le Théâtre du Châtelet vient d'annoncer sa prochaine saison qui comportera les créations à Paris des opéras « Trois Surs » de Peter Eötvös et « L'Amour de Loin » de Kaija Saariho ainsi qu'un spectacle de Robert Wilson sur le « Voyage d'hiver » de Schubert interprété par Jessye Norman et Myung-Whun Chung dans des costumes d'Yves saint Laurent. De nouvelles mises en scène de « Fidelio » de Beethoven par Deborah Warner dirigée par Simon Rattle, de « Rodelinda » de Haendel par Jean-Marie Villegier, de « Arabella » de Richard Strauss par Peter Musbach dirigée par Christoph von Dohn[135]nyi, d'« Ariadne auf Naxos » de Richard Strauss et de « Lucie de Lammermoor » dans sa version française par l'Opéra de Lyon compléteront cette belle saison lyrique.
La saison chorégraphique invitera l'American Dance Theater d'Alvin Ailey, le Birmingham Royal Ballet, le Tokyo Ballet. De nombreux concerts et récitals complètent cette saison riche et excitante.
Renseignements et réservations : Châtelet (01.40.28.28.40)
Pour une discothèque idéale
des uvres de Verdi
O N appelle « trilogie populaire » l'ensemble de « Rigoletto », « Le Trouvère » et « La Traviata » qui, en l'espace de deux ans, assureront à Verdi une notoriété internationale.
Après avoir exploité le genre épique dans l'exaltation patriotique, le romantisme le tente ; il ressent le besoin de s'orienter vers des drames plus humains, mettant en scène des êtres de chair, des sentiments et des passions. Ce sont un bouffon - Rigoletto -, un troubadour - Manrico - et une demi-mondaine dévoyée - Violetta - qui seront les personnages choisis pour cette trilogie.
L'enregistrement de « Rigoletto » par Rafael Kubelik croule sous les récompenses des revues spécialisées et fait, depuis sa sortie en 1963, l'unanimité de la critique musicale. La direction y est absolument miraculeuse de finesse psychologique et de dramatisme et l'orchestre et les churs de La Scala se plient à ses moindres désirs. Dietrich Fischer-Dieskau fait un portrait tout en finesse du pauvre bouffon berné. Carlos Bergonzi donne en permanence une leçon de chant et Renata Scotto est touchante, miracle de délicatesse et de légèreté (1).
Pour réussir « Le Trouvère », il suffit de réunir les quatre meilleurs chanteurs du monde ! La célèbre boutade se vérifie avec cette représentation du 31 juillet 1962 au Festival de Salzbourg à qui il imposait Verdi, où Herbert von Karajan offrait Leontyne Price, Giulietta Simionato, Franco Corelli et Ettore Bastianini avec les Wiener Philharmoniker dans la fosse à un public électrisé (2).
Autre « Trouvère » enregistré en 1956 à Milan par Karajan, c'est le portrait officiel de Maria Callas dans le rôle de Leonora qu'elle a chanté, de Milan à Vienne, de Chicago à Mexico, dans le monde entier. Elle y supplante aisément ses trois partenaires pourtant d'un très haut niveau vocal (3).
C'est une version de chef que l'on choisit pour ce mélodrame demi-mondain d'après « la Dame aux Camélias » d'Alexandre Dumas fils devenu sous la plume de Verdi et Piave « La Traviata », tragédie de l'amour et de la mort. A Munich en 1977 avec son orchestre le Bayerisches Staatsorchester, Carlos Kleiber mettait le feu aux planches. Ileana Cotrubas et Pl[135]cido Domingo sont très bien appariés et les seconds rôles parfaits (4).
Les années de succès
A partir de 1853 Verdi entame une carrière européenne qui le mènera jusqu'au Caire car il est choisi pour composer « Aïda », l'opéra des cérémonies d'ouverture du canal de Suez.
« Un Bal Masqué » a pour lui la splendeur vocale de Carlo Bergonzi assez étonnement apparié au timbre fauve de Leontyne Price. Mais c'est avec la direction très théâtrale d'Erich Leinsdorf, avec le RCA Italiana Orchestra, le soin dans l'accompagnement des chanteurs avec un équilibre entre voix et orchestre idéal, que cet enregistrement de 1966 prévaut (5).
Premier opéra écrit spécialement pour l'Opéra de Paris, « Les Vêpres siciliennes » mettent en scène un bien curieux sujet : le massacre des Français par les patriotes siciliens ! Verdi l'a vite adapté en italien et c'est cette version que James Levine est le premier à avoir enregistré intégralement en 1973, avec une vie saisissante. La distribution superbe jusque dans les petits rôles est dominée par Martina Arroyo et Pl[135]cido Domingo (6). Souvenir ineffable d'un des plus beaux spectacles de La Scala de Milan signé Giorgio Strehler en 1971, « Simon Boccanegra » par Claudio Abbado est légendaire. L'orchestre de La Scala tisse une trame d'une légèreté de rêve. Mirella Freni est la douceur même et les hommes sont tous en harmonie vocale. Claudio Abbado tire les ficelles du drame avec une conscience dramatique exemplaire (7).
« La force du destin » est le troisième drame espagnol de Verdi. Les situations tragiques et truculentes abondent. Riccardo Muti avec La Scala de Milan jouant fébrilement la partition intégrale sans coupures, a fort bien réussi cette approche mélodramatique (8). La meilleure distribution de « Don Carlo » ayant existé au disque dans sa version italienne est celle où Georg Solti, chef de théâtre, avec l'Orchestre du Covent Garden, plante un décor austère et sait faire vivre ses personnages. Toute la noblesse et la rigidité de l'étiquette de la cour de Philippe II, les larmes étouffées, les rancurs et le non dit sont là, sans ambages. Bergonzi est un Infant noble et superbe, Fischer-Dieskau est aristocratique en Posa. Renata Tebaldi et Grace Bumbry apparient idéalement leurs voix et surtout l'hallucinant affrontement de Ghiaurov et de son inquisiteur Talvela donne le frisson (9).
Leontyne Price incarne Aïda, l'esclave éthiopienne, avec une vérité dramatique inouïe. C'est sans conteste la meilleure que l'on puisse entendre au disque. Elle est entourée de Rita Gorr, Amneris souveraine autoritaire, John Vickers Radamès vibrant d'amour et Robert Merrill royal. Enregistrée à Rome en 1962 cette « Aïda » dirigée avec une fougue quasi militaire par Solti, est le meilleur choix aujourd'hui pour découvrir cette uvre (10) .
Les chefs-d'uvre de la maturité
Dans cette dernière période qui commence en 1873 par la mort de son ami le poète patriote Giuseppe Manzoni, penseur de la Révolution italienne, Verdi compose à sa mémoire une messe de Requiem qu'il dirige dans toute l'Europe. Puis il se retire dans sa Villa Sant'Agata à Bussetto, non loin de son lieu de naissance et consacre sa vieillesse à l'exploitation de sa propriété. Cependant son éditeur Ricordi le met en rapport avec le compositeur et poète Arrigo Boïto. De leur collaboration naîtront avec une lenteur inhabituelle deux derniers absolus chefs-d'uvres d'après Shakespeare : « Otello » et « Falstaff ». Verdi aura le temps de les créer et d'en savourer le triomphe avant de s'éteindre en 1901 à l'aube du vingtième siècle.
C'est, de toutes les versions d'« Otello » disponibles aujourd'hui, la seule qui réunisse un trio vocal aussi éclatant et dramatique. Léonie Rysanek est une Desdémone à la voix plus corsée que ses collègues mais quel aplomb tragique ! John Vickers, à la voix claire et vaillante, tient avec Otello son meilleur rôle où il est autant verdien que shakespearien. Tito Gobbi en Iago est sombre et veule à souhait. Serafin tient tout le monde dans un équilibre parfait dans un grand moment de théâtre (11).
Jamais un enregistrement de studio n'a autant fait l'unanimité sur la vie théâtrale qui l'anime et la qualité de ses chanteurs que ce « Falstaff » de Karajan réalisé en 1956. Avec le Philharmonia, des interprètes d'une sophistication vocale et théâtrale et une bonne dose d'humour le chef autrichien a réussi le « Falstaff » qui rivalise avec les plus grands de Toscanini à Bernstein, mais n'a jamais été égalé. Ce n'est pas l'opéra le plus évident de Verdi mais pour l'aborder le meilleur s'impose.
(1) Deutsche Grammophon/Universal. 2 CD.
(2) Deutsche Grammophon/Universal. 2 CD. Enregistrement public.
(3) EMI. 2 CD.
(4) Deutsche Grammophon/Universal. 2 CD.
(5) RCA/BMG. 2 CD.
(6) RCA/BMG. 3 CD.
(7) Deutsche Grammophon/Universal « The Originals ». 2 CD.
(8) EMI. 3 CD.
(9) Decca. 3 CD.
(10) Decca/Universal. 3 CD.
(11) RCA/BMG. 2 CD.
(12) EMI. 2 CD.
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