LA SANTE EN LIBRAIRIE
D 'ENTREE de jeu, le psychiatre Bernard Golse plonge son lecteur dans la réalité d'un service de réanimation néonatale, en lui donnant un « aperçu d'une journée ordinaire pour un bébé placé en réanimation ». La durée de tranquillité de l'enfant entre deux soins, examens, manipulations ou interventions ne dépasse en effet jamais une heure et demie, même la nuit. Et nombreuses sont les interventions douloureuses ou pénibles au long de ces journées « ordinaires ». Les chiffres le disent pourtant : la réanimation néonatale est « devenue, en l'espace de quarante ans, un authentique moyen de soins », qui « permet désormais de sauver des milliers de bébés ».
Le pire n'est jamais sûr
Les récits recueillis dans ce livre à plusieurs voix en témoignent : « Le pire n'est jamais sûr », même quand une éclampsie ou un accident de la route aboutit à une naissance très prématurée, quand un bébé est « donné pour mort » avant même d'être né, quand l'un des jumeaux nés à 32 semaines de grossesse après fécondation in vitro ne peut respirer tout seul... Sébastien, Marc, Alexandre ont bien été sauvés, et leurs mères respectives disent toutes leur bonheur de voir grandir leur enfant.
Mais ce n'est pas tant « l'aventure technique », si admirable soit-elle, qui motive l'auteur principal du livre. Ce n'est pas non plus la question de la légitimité d'actions de réanimation qui, parfois encore, ne permettent à des enfants de vivre qu'au prix de lourdes séquelles. Aujourd'hui, les réanimateurs sont très soucieux d'ajouter aux « forces techniques » qui sont les leurs, les « forces humaines » indispensables à ces bébés pour leur donner envie de vivre, pour les aider à « opter pour la vie ». Parents, psy, équipes de réanimation concourent tous à cette tâche désormais reconnue comme partie intégrante de l'uvre de renaissance entreprise. Le livre de Bernard Golse reprend ces diverses contributions, en alternant les récits des mères, les commentaires de la psychologue, l'auteur se chargeant des liens entre le particulier des cas racontés et le général de ce lieu et de ce temps de la réanimation, « ligne de crête très étroite, entre la vie et la mort ».
La souffrance
Que l'on parte du pire pour arriver au meilleur, d'un enfant donné pour mort à un enfant qui joue, ou du meilleur pour arriver au pire, d'un nouveau-né en pleine santé à un bébé mort, la souffrance est là : celle des bébés dont les expériences douloureuses précoces sont aujourd'hui reconnues sinon comprises, celle des parents aux prises avec leurs rêves pulvérisés, leur culpabilité, l'incertitude ou au contraire de douloureuses certitudes... celle des équipes, enfin, dont les responsabilités ne sont plus uniquement techniques, mais aussi relationnelles, et qui se trouvent parfois confrontées à de lourdes décisions.
De lourdes décisions qui ne se limitent pas, contrairement à ce que de faux débats laissent souvent croire, à des décisions d'« euthanasie » et à un affrontement entre les militants du « pour » et ceux du « contre ». La réflexion que mène le philosophe Marc Gassin dans le livre qu'il a intitulé « le Nouveau-Né entre la vie et la mort » ne laisse place à aucune tentation de facilité. L'auteur part de la réalité complexe que représente une histoire de réanimation néonatale : ainsi, on ne peut pas assimiler une abstention de traitement à une limitation de traitements, une cessation des traitements à un arrêt de vie. On ne peut pas non plus assimiler le légal et le légitime ou se suffire d'une décision collégiale pour affirmer sa justesse. On ne peut laisser de côté la souffrance des parents et la nécessité de les aider à rendre pensable l'impensable...
C'est bien sur les chemins d'une responsabilité pleine et entière des acteurs de la décision, soit les médecins au premier chef en France, que Marc Grassin mène son lecteur. Elle passe par des arguments médicaux rigoureux, mais tient compte de la famille, du corps social, de l'équipe soignante qui sont tous partie prenante dans toute histoire de nouveau-né en réanimation. L'expérience de telles équipes a abouti à un « schéma décisionnel » bien éloigné d'un guide de prêt-à-penser débouchant sur des solutions automatiques. Chaque cas apparaît alors comme unique, chaque décision est longuement et collégialement discutée. Et le point de vue du philosophe Marc Grassin rejoint celui du psychiatre Bernard Golse dans une volonté de respect et d'accompagnement de l'histoire humaine que représente le passage d'un nouveau-né en réanimation.
« Bébés en réanimation », Bernard Golse avec Sylvie Gosme-Seguret et Mostafa Mokhtari, Odile Jacob, 226 pages, 140 F (21,34 euros).
« Le Nouveau-Né entre la vie et la mort », Marc Grassin, Desclée de Brouwer, 195 pages, 150 F.
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