Le numérique pourrait-il sauver l'hôpital et le système de santé ?
Il s'agit avant tout d'un outil et d'un moyen de transformation. Ne lui donnons pas cette ambition à lui seul de sauver l'hôpital. Les temps de crise sont souvent vecteurs d'innovation et de nouvelles pratiques. La crise sanitaire a mis en exergue un développement certes attendu mais avec un accent marqué sur les prises en charge dématérialisées comme la télémédecine, la téléconsultation et les hospitalisations de jour dématérialisées. Pour autant, il convient d’éviter l'écueil d’une démarche numérique qui ne serait développée que comme un « patch » à des difficultés structurelles. En fait, via le numérique, outil majeur de transformation, seule une nouvelle vision, une refonte de nos organisations et des logiques de coopération viendront sauver et refonder le système de santé. Car le numérique n'est pas une fin en soi. Il doit être un moyen pour mieux coordonner les professionnels de santé, pour développer des innovations thérapeutiques et organisationnelles, pour lutter contre la fracture sanitaire, pour repositionner le citoyen au cœur du système de santé et de son parcours, bref pour soigner mieux. Or les professionnels de santé sont confrontés à une offre numérique morcelée qui complexifie leur pratique quotidienne, et les outils numériques mis à disposition des patients-usagers sont encore trop limités. L'écosystème voit naître de nombreux projets innovants et des startups en nombre : sachons tirer le meilleur de cette effervescence !
L'écosystème est-il en marche pour transformer le système ?
Je le crois. Sa réussite exige toutefois des prérequis pour répondre à ce défi. Nous en retiendrons quatre. Premièrement il s'agit de construire un écosystème de santé interconnecté autour de l'espace de confiance national et d’engager une politique de renforcement de la cybersécurité. C'est un enjeu majeur de confiance et d'appropriation des acteurs et des citoyens au-delà de la sécurité des systèmes d'information. La donnée personnelle est un sujet sensible auquel les citoyens français sont attachés. Les acteurs devront pouvoir disposer d'un dossier patient informatisé (DPI) ou d'une solution tierce directement connectés à « l'espace de confiance national ».
En deuxième lieu, les établissements de santé souffrent d'un déficit de capacité d'investissement, conséquence d'une approche comptable de leur financement, dans le cadre d'une enveloppe fermée annuellement définie dans une gestion statique de maîtrise des dépenses de santé. Les établissements ne peuvent pas s'inscrire dans un financement pérenne de leur besoin dans la transition numérique, aujourd’hui financée par des plans étatiques à courte vue sans projection pluriannuelle du financement en exploitation courante.
En troisième lieu, la gouvernance et le pilotage des politiques publiques devront être unifiés et clarifiés. Le paysage est encore trop éclaté entre différentes administrations, agences et délégations d'État : DGOS, DNS, ANS, HFDS, Anssi…
Enfin, le virage numérique devra s’accompagner d’une politique de ressources humaines volontariste pour les métiers du numérique, et une anticipation des nouveaux métiers. L’écosystème peine à répondre aux chantiers ouverts faute de compétences en nombre suffisant. Aussi, l’usage numérique doit être accompagné auprès des professionnels par des programmes de formation, initiale et continue. Cela implique également de former et d’acculturer les patients-citoyens à ces usages numériques (en lien avec les organismes complémentaires), et aussi de les rendre co-constructeurs de ces usages, car nous n'y parviendrons qu’avec une pleine confiance et appropriation de la société dans son ensemble.
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