E N cancérologie, deux voies vaccinales d'immunothérapie spécifiques sont actuellement expérimentées : l'une passe par la présentation de peptides immunogènes spécifiquement tumoraux, exprimés et présentés de diverses manières (par exemple par des cellules présentatrices d'antigènes), l'autre voie vaccinale est fondée sur la présentation d'antigènes cibles polysaccharidiques induisant la sécrétion d'anticorps spécifiques.
Depuis 1997, une équipe new-yorkaise de chercheurs en oncologie a mis au point une stratégie vaccinale en se basant sur un antigène saccharidique, le globo H, retrouvé à la surface de cellules normales (au niveau du pancréas, par exemple) mais aussi de cellules tumorales (prostate, sein...).
Prostate et sein
Dans un premier temps, ils ont vacciné des hommes atteints de cancer de la prostate en échappement thérapeutique par un vaccin synthétique dirigé contre le polysaccharide globo H (vaccin Keyhole Limpet hémocyanine conjugué avec l'adjuvant QS-21). Ils ont conclu que 5 injections sous-cutanées de ce vaccin, sur une durée totale de 26 semaines, étaient bien tolérées, pouvaient produire une réaction immunogène (apparition d'antigènes de classe IgM et, à un moindre degré, des IgG) et induire une baisse des taux de PSA chez les malades.
Partant du fait qu'il existe des antigènes globo H au niveau d'une lignée de cellules tumorales mammaires (lignée MCF-7), l'équipe d'oncologues dirigée par le Dr Teresa Gilewski (New York) a proposé, entre septembre 1997 et août 1999, une vaccination anti-globo H à 27 femmes atteintes d'un cancer du sein à un stade métastatique.
L'âge moyen de ces patientes à l'entrée dans l'étude était de 46 ans. Les sites métastatiques étaient répartis comme suit : 8 métastases osseuses, 2 atteintes pulmonaires, 11 extensions locales au niveau de la paroi thoracique, un nodule hépatique et 5 atteintes ganglionnaires. Durant le suivi, 22 des femmes ont été traitées par hormonothérapie (tamoxifène, anastrozole ou acétate de mégestrol). Vingt-six des 27 femmes ont reçu les 5 injections vaccinales, comme prévu à l'inclusion, la dernière ayant été écartée de l'étude en raison d'une évolution de son atteinte hépatique. Globalement, on peut considérer que le vaccin a été bien toléré. En effet, les principales manifestations cliniques rapportées dans les suites de la vaccination ont été des réactions locales (induration, érythème, douleurs) et des symptômes généraux de type grippal (fièvre, arthralgies, myalgies, asthénie). Une surveillance biologique, et en particulier pancréatique - en raison de la présence de l'antigène globo au niveau des cellules pancréatiques - a aussi été mise en place. Seule une patiente a présenté une augmentation de l'anylasémie au cours du cycle vaccinal, qui s'est révélée spontanément régressive. Enfin, les investigateurs ont noté quelques modifications, qualifiées de mineures, de la glycémie, des phosphatases alcalines, des transaminases, de la calcémie, de l'albuminémie et du potassium sérique.
Une évaluation par dosage ELISA de la réponse sérologique à la vaccination a permis de mettre en évidence l'apparition d'anticorps de type IgM chez 16 des 27 patientes et, de façon constante, l'apparition d'un faible taux d'IgG. Chez 9 de ces femmes, les investigateurs ont par ailleurs mis en évidence une réaction de type CDC (cytotoxicité médiée par le complément) et chez 8 autres, l'apparition d'une cytotoxicité anticorps dépendante, d'origine cellulaire.
« Enfin, même si notre étude n'avait pas pour but un suivi clinique, nous n'avons constaté une évolution de la pathologie que chez 4 des 27 patientes au cours des 24 semaines de suivi », analysent les auteurs. S'intéressant aux 23 malades survivantes, le Dr Gilewski rapporte que, deux ans après la vaccination, 10 d'entre elles n'ont pas présenté d'évolution de leur affection et 5 une maladie stable.
(1) « Proceedings of the National Academy of Sciences », vol. 98, n° 6, pp. 3270-3275, 13 mars 2001
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature