Cancer : les mécanismes d'inhibition immunitaire se mettent en place dès les stades précancéreux

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Publié le 28/06/2019
carcinome épidermoïde pulmonaire

carcinome épidermoïde pulmonaire
Crédit photo : PHANIE

En étudiant les différents stades précancéreux de carcinome épidermoïde pulmonaire, une équipe INSERM a montré qu'une réponse immunitaire se met en place dès l'apparition de cellules anormales. « Nous nous sommes aussi aperçus que les mécanismes inhibiteurs de cette réponse apparaissent également bien avant la survenue du cancer », indique au « Quotidien » Jérôme Galon, directeur de recherche INSERM qui a dirigé l'étude avec Céline Mascaux. Ces résultats sont parus dans « Nature ».

Une réponse innée très précoce

Ces phénomènes ont pu être étudiés à l'aide de la génomique et de technique d'imagerie. Au total, 122 biopsies provenant de bronchoscopie de 77 personnes fumeuses et présentant un risque élevé de carcinome épidermoïde pulmonaire ont été analysées. « Ces échantillons ont permis de caractériser tous les stades de la carcinogenèse, allant du stade normal au carcinome, en passant par la métaplasie et la dysplasie », explique le chercheur, précisant que le micro-environnement précancéreux avait jusque-là été peu étudié chez l'homme.

La première réponse du système immunitaire intervient au stade très précoce de la dysplasie de bas grade. Ce sont d'abord les cellules immunitaires résidant dans les tissus, dont les mastocytes, qui s'activent. Dans le même temps, la réponse adaptative se met en place avec notamment un recrutement de lymphocytes T naïfs.

« C'est lors du stade de la dysplasie de haut grade que surviennent des changements majeurs », remarque Jérôme Galon. Les réponses immunitaires innées, adaptatives et mémoire mettent en jeu un grand nombre de cellules immunitaires : neutrophiles, macrophages, lymphocytes B et T… C'est aussi à ce moment-là que les mécanismes d'échappement entrent en scène : les cellules immunitaires expriment à leur surface des « checkpoints » ou points de contrôle qui régulent leur activation.

« Face à des lésions précancéreuses, le système immunitaire détecte rapidement les altérations, s'active, puis s'inhibe, ce qui favorise le développement du cancer », résume Jérôme Galon. Afin de déterminer si ce phénomène est observé dans d'autres localisations cancéreuses, des travaux menés par la même équipe de chercheurs sont en cours sur le cancer du côlon et le cancer du col de l'utérus.

Vers une immunothérapie préventive ?

« Nos observations ouvrent la voie à la possibilité de détecter des marqueurs immunitaires au stade précancéreux et aussi à celle d'agir pour restimuler le système immunitaire avant le cancer », avance le chercheur. Ainsi, inhiber les inhibiteurs de checkpoints par immunothérapie pourrait potentiellement retarder le développement du cancer. « Il sera nécessaire de s'assurer que ces immunothérapies préventives ne sont pas toxiques », précise Jérôme Galon.

Actuellement, la détection de lésions précancéreuses peut entraîner leur exérèse. Toutefois, comme le souligne Jérôme Galon, lorsque l'opération est réalisée lors de la phase de dysplasie de haut grade, le taux de récidive est plus important. L'immunothérapie préventive pourrait donc venir en complément de cette approche.

Jérôme Galon a récemment remporté le prix de l'inventeur européen 2019 dans la catégorie « Recherche » de l’Office européen des brevets pour la mise au point de l'Immunoscore, un test immunologique prédictif du risque de récidive chez les patients atteints de cancer.


Source : lequotidiendumedecin.fr