PRATIQUE
I. APPROCHE CLINIQUE
L'atteinte olfactive, ou dysosmie, va s'accompagner, dès qu'elle atteint un certain niveau, d'une altération du goût, ou dysgueusie. Les deux symptômes sont alors associés, l'un ou l'autre motivant la consultation.
Troubles qualitatifs et troubles quantitatifs
Les troubles quantitatifs de l'odorat vont de la diminution (hyposmie) à la disparition (anosmie) de celui-ci. Les atteintes qualitatives sont de différents types : parosmie (sensation olfactive erronée), cacosmie (perception d'une odeur désagréable provenant du patient lui-même) et phantosmie (hallucination olfactive). Si les deux premières orientent vers une pathologie rhino-sinusienne aiguë ou chronique, la troisième évoque d'emblée une cause neurologique ou psychiatrique.
Antécédents à rechercher : orientation étiologique
Le mode d'installation du trouble olfactif, et son lien avec des antécédents précis, constituent l'un des critères diagnostiques principaux. On recherche ainsi :
a) l'apparition brutale de la dysosmie au décours d'un épisode infectieux aigu de rhinite infectieuse : environ 25 % des dysosmies sont rattachées à cette étiologie, qui doit rester un diagnostic d'élimination. L'évolution vers la régression spontanée est possible mais inconstante ;
b) une pathologie rhino-sinusienne chronique (rhinite, polypose naso-sinusienne...) est évoquée devant les signes d'accompagnement : obstruction nasale, éternuements, rhinorrhée... et les données du bilan ORL ;
c) une sinusite associée à une cacosmie doit faire rechercher un foyer infectieux dentaire évolutif ;
d) un traumatisme crânien, même peu important, peut se compliquer de trouble olfactif. La chronologie est alors précise : apparition immédiate après le choc ;
e) certaines interventions rhino-sinusiennes, mais aussi neurochirurgicales, peuvent se compliquer d'une atteinte de l'odorat ;
f) les principales affections générales s'accompagnant de troubles de l'odorat sont :
- neurologiques : au cours de la maladie d'Alzheimer, l'atteinte olfactive, périphérique et centrale est fréquente et le développement de tests comme les potentiels évoqués olfactifs pourrait être un élément supplémentaire pour le diagnostic des formes débutantes de cette maladie. Dans la maladie de Parkinson, les troubles olfactifs sont fréquemment rencontrés, leur évolution apparaissant peu influencée par le traitement ;
- endocrinopathies : insuffisance surrénale, hypercorticisme, hypothyroïdie ;
- affections hépatiques, insuffisance rénale et SIDA ;
g) enfin, le vieillissement s'accompagne de troubles olfactifs pouvant retentir sur l'alimentation.
Examen clinique
La réalisation d'un examen ORL s'impose devant un trouble de l'odorat. Il a pour objectif de rechercher une cause rhino-sinusienne, et bénéficie de l'utilisation en consultation d'endoscopes (souples et rigides) qui permettent d'explorer systématiquement les fosses nasales et le cavum, et d'effectuer si nécessaire des prélèvements. Les déformations anatomiques (cloison nasale, cornets inférieurs...) sont analysées, tout comme les anomalies muqueuses (dème, polype, sécrétions purulentes, atrophie muqueuse et croûtes de l'ozène) et les éventuelles conséquences locales d'interventions chirurgicales antérieures. L'examen ORL systématique est complété par un examen somatique général orienté selon l'étiologie suspectée.
II. QUELLES EXPLORATIONS COMPLEMENTAIRES PROPOSER ?
Les deux types d'explorations utilisées pour déceler les troubles de l'odorat sont l'imagerie et les tests fonctionnels.
L'imagerie
Le scanner est l'examen de référence. Réalisé en coupes axiales et coronales, sans injection de produit de contraste, il permet d'authentifier les principales causes naso-sinusiennes de dysosmie : pathologie de la fente olfactive, atteinte ethmoïdale... de nature infectieuse, tumorale, ou postopératoire. Son indication est donc large.
Les indications de l'IRM sont plus rares, en particulier pour le diagnostic précoce de certaines tumeurs (gliome, méningiome olfactif).
Les tests fonctionnels
Différents procédés d'olfactométrie ont été développés, plus ou moins sophistiqués, ayant pour objectif la détermination des seuils de détection de certaines odeurs. A cette notion quantitative s'ajoute l'aspect qualitatif en demandant au patient d'identifier l'odeur en cause. Il est possible de se constituer son propre kit de produits odorants caractéristiques à des dilutions différentes. Cette disparité des méthodes, d'un praticien à l'autre, rend difficile les comparaisons. Il s'agit cependant de tests d'orientation intéressants.
Les méthodes électrophysiologiques : électro-olfactogramme et potentiels évoqués olfactifs sont actuellement limités à la recherche.
Enfin, l'IRM fonctionnelle des aires corticales impliquées dans l'olfaction est une technique utilisée en recherche, et qui aura probablement des applications cliniques dans les prochaines années.
III. TROUBLES DE L'ODORAT POSTTRAUMATIQUES
La survenue d'une hyposmie, d'une anosmie ou d'une parosmie est relativement fréquente après un traumatisme crânien. Les mécanismes en cause sont : cisaillement du nerf olfactif au niveau de la lame criblée de l'ethmoïde lors du déplacement cérébral qui accompagne les chocs frontaux ou occipitaux ; lésions ostéo-cartilagineuses des cavités naso-sinusiennes, limitant la diffusion des molécules odorantes vers l'épithélium olfactif ; enfin, lésions du parenchyme cérébral.
Les récupérations sont rares. L'évaluation du préjudice au cours des expertises repose sur une démarche rigoureuse : appréciation des antécédents, de l'imputabilité... La prise en compte de certaines activités professionnelles (cuisinier, sommelier...) est à souligner.
Les troubles de l'odorat justifient une exploration clinique ORL et, dans la majorité des cas, un bilan radiologique en tomodensitométrie. Le diagnostic d'anosmie postrhinite infectieuse est en effet un diagnostic d'élimination.
Référence : Les troubles du goût et de l'odorat, rapport de la Société française d'ORL et de chirurgie de la face et du cou, 1999. Présidents : Pierre Bonfils et Patrice Tran Ba Huy.
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