L' IDENTIFICATION de gènes n'est pas en soi une nouveauté. La démarche consiste à localiser plus ou moins grossièrement le gène, en analysant la coségrégation de marqueurs et du trait phénotypique dans une généalogie, puis à rechercher le gène en cause, à l'intérieur d'une région de l'ordre de 1 Mb, soit directement par séquençage, soit indirectement, par analogie fonctionnelle entre un gène candidat déjà connu dans cette zone, et les mécanismes de la pathologie. L'apparition de cartes génétiques et physiques de plus en plus précises, dans le courant des années quatre-vingt-dix, avait largement facilité la première étape. Avec la séquence, c'est la seconde difficulté qui se trouve aplanie. La recherche de gènes candidats « in silico », puis la vérification de l'existence d'une mutation dans ce gène chez les sujets atteints, ne pose en effet guère de problème a priori.
Comme l'indique l'équipe du « Human Genome Project » dans l'article de « Nature », pour un trait transmis sur un mode mendélien, la recherche du gène est dorénavant l'affaire de quelques mois, dans la plupart des cas, et peut être menée à bien par une équipe restreinte.
L'identification des gènes permet, classiquement, le diagnostic et le conseil génétique, la thérapie génique restant probablement lointaine dans la plupart des cas, malgré le succès obtenu l'an dernier par Alain Fischer, dans une indication très particulière.
Thérapie génique : la stimulation des gènes paralogues
Le séquençage pourrait toutefois venir conforter une piste alternative.
Cette alternative consiste, plutôt qu'à remplacer un gène défectueux, à stimuler un autre gène, dit paralogue, c'est-à-dire un gène de séquence apparentée, et susceptible, fonctionnellement, de prendre la relève. On connaît divers gènes paralogues, par exemple, les gènes de la préséniline-1 et de la préséniline-2, dont les mutations ont été mises en cause dans les formes précoces d'Alzheimer. Autre exemple, l'hémoglobine foetale, dont on tente de réactiver l'expression en cas d'anémie falciforme. Avec le séquençage du génome, il est évident que l'on va identifier de plus en plus de gènes paralogues. Peut-être s'en trouvera-t-il, parmi eux, certains susceptibles d'être activés, ou réactivés.
Autre perspective, le développement de nouveaux traitements, tout à fait conventionnels, mais qui auront pu être ciblés sur des mécanismes identifiés grâce au séquençage.
Selon deux récentes études, la totalité des traitements actuels ne cible, en tout et pour tout, que 483 molécules ou mécanismes biologiques : la vérité est que la pharmacopée reste d'une affligeante pauvreté par rapport à la complexité biologique. Du côté des gènes, même en considérant qu'une petite fraction d'entre eux, de leurs protéines et des mécanismes d'aval, sont susceptibles de constituer des cibles thérapeutiques, on arrive tout de même à plusieurs milliers de ces cibles.
La connaissance des gènes paralogues n'est, en outre, pas inutile pour intervenir.
L'exemple de la maladie de l'Alzheimer
L'article de « Nature » l'illustre par un exemple. Dans la maladie d'Alzheimer, la protéine bêta-amyloïde déposée dans les plaques, provient du clivage de la protéine précurseur (APP) par l'enzyme BACE (Beta site APP-Cleaving Enzyme), qui est une protéase transmembranaire. Récemment, un gène paralogue a été identifié, codant une protéine présentant 52 % d'homologie de séquence avec BACE. Cette protéine, BACE2, présente effectivement deux sites protéasiques. Son gène, comme d'ailleurs le gène APP, est localisé dans la partie du chromosome 21 obligatoirement triploïde dans la trisomie 21. De là à imaginer que des copies supplémentaires du gène BACE2 et/ou du gène APP accélèrent la formation des plaques dans la maladie d'Alzheimer, il n'y a qu'un pas. L'hypothèse reste naturellement à vérifier. En attendant, on considère déjà que des antagonistes de BACE et BACE2 pourraient constituer une approche préventive interessante dans la maladie.
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