Coronavirus : les généralistes piliers du traçage numérique

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Publié le 15/05/2020
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Le traçage numérique des patients infectés ou suspectés de Covid-19 est la pierre angulaire de la stratégie de déconfinement du gouvernement. Chargés de collecter ces données, les généralistes ont obtenu que le système retenu garantisse le respect du secret médical.
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Crédit photo : GARO/PHANIE

L’article 6 de la loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire, votée le week-end dernier par les parlementaires, met en place un système d’information pour le suivi numérique des patients atteints ou suspectés de Covid-19. Les généralistes y joueront un rôle clé en collectant ces données et en les inscrivant dans le dispositif.

La création de ce système a soulevé des critiques chez les médecins, qui ont notamment exigé des aménagements pour garantir le secret médical. Le Syndicat des médecins libéraux (SML) a ainsi demandé que le Covid-19 entre dans la liste des maladies à caractère obligatoire et réclamé une transparence sur le stockage et l’usage de ces données. De son côté, le patron de l’Ordre des médecins, le Dr Patrick Bouet, expliquait au Généraliste que l’Assemblée nationale devait aller « plus loin dans la protection du secret », les premières versions du texte ne donnant pas entière satisfaction au Cnom. Des précisions devaient par exemple être apportées pour le cas des personnes contacts. « Nous ne sommes pas là pour donner des informations qui ne seraient pas du domaine de la médecine (…). Il ne faut pas donner au médecin le rôle qui n’est pas actuellement le sien », soulignait le Dr Bouet.

Dérogation au secret médical

Le texte finalement adopté par la commission mixte paritaire de l'Assemblée semble avoir éclairci plusieurs points. Le traitement et le partage des données « à caractère personnel » sur la santé de personnes Covid et celles qui ont été en contact avec elles pourront se faire dans le cadre du système d’information « sans le consentement des intéressés ». En revanche, les données d’identification des personnes infectées ne peuvent être communiquées à ceux ayant été en contact avec elles, sauf accord express. Une limite de temps a été prévue par les parlementaires : six mois à compter de la fin de l’état d’urgence sanitaire pour le dispositif et trois mois pour la durée de sauvegarde des données collectées. « Les données à caractère personnel concernant la santé sont strictement limitées au statut virologique ou sérologique de la personne à l’égard du virus », prévoit aussi le texte. Elles sont renseignées par « un médecin ou un biologiste médical ou sous leur responsabilité ». Finalement, le texte de loi précise bien que le Covid-19 fait partie des maladies à déclaration obligatoire selon les modalités prévues dans le code de la santé publique et que « les personnes ayant accès à ces données sont soumises au secret professionnel ». Une instance de contrôle sera également créée pour effectuer un audit régulier sur ce système d’information.

55 euros la consultation de dépistage

Parmi les points qui restent en suspens, celui de la rémunération des médecins pour l’identification des patients Covid-19 et des cas contacts. Après diverses tergiversations, les parlementaires ont inscrit dans la loi que le directeur de l’Assurance maladie peut « fixer les modalités de rémunération des professionnels de santé » qui participent à cette collecte. Mais il est aussi mentionné que cette rémunération ne peut être liée « au nombre ni à la complétude des données recensées pour chaque personne enregistrée ». Dans un courrier envoyé aux praticiens il y a deux semaines, l’Assurance maladie indiquait la possibilité pour le généraliste d’appliquer la majoration MIS de 30 euros, pour valoriser « l’annonce du test positif, la prescription des tests pour les cas contacts proches (personnes résidant au domicile du patient), l’information donnée au patient sur les mesures barrière, l’enregistrement dans l’outil "Contact Covid" du patient (sur Ameli Pro) et des cas contacts proches (personnes partageant le même domicile que le patient) ».

Il était également question d’une rémunération supplémentaire pour le contact tracing au-delà de la cellule proche du patient : 2 euros par cas contact pour saisie dans le système d’éléments de base, et 4 euros pour des données plus complètes. La loi finalement votée remet en cause ces deux forfaits. En dehors de la rémunération, leur désignation même soulevait des considérations éthiques, le Collège national des généralistes enseignants estimant que pour les « personnes contacts désignées par le patient, la demande faite aux généralistes de transmettre leurs coordonnées à une autorité administrative, sans les connaître, sans qu’elles aient été sollicitées et sans qu’elles aient donné leur accord, pose un problème important »

Amandine Le Blanc

Source : lequotidiendumedecin.fr