M ARQUES par un séjour, plus ou moins long en prison d'anciens détenus du secteur « des particuliers », alias le « quartier VIP » (Very Important Person) de la maison d'arrêt de la Santé, à Paris, ont constitué, en 1998, une association dont le but est de changer les conditions de la détention.
Du nom d'un jeune policier, placé en détention provisoire après que sa carte professionnelle eut été retrouvée entre les mains d'une terroriste basque, et qui s'est pendu dans sa cellule le 23 janvier 1997, le « Groupe Mialet » pourrait se faire entendre, compte tenu de la personnalité des 130 anciens détenus qui le composent. Parmi eux, Jean-Michel Boucheron, ancien député-maire d'Angoulême, qui en tant qu'enseignant a aidé 3 codétenus à passer leur bac, « dont un avec mention », Jean-Jacques Prompsy, ex-cadre de la Lyonnaise des eaux, Olivier Spithakis, ancien directeur général de la MNEF, qui, après 5 mois de préventive, revient « rendre visite aux copains, toutes les trois semaines », et Loïc Le Floch-Prigent.
Voisin de cellule de Jean-Luc Mialet, l'ex-P-DG d'Elf reste sous le choc de ce qu'il a découvert. « Je me suis dit que le système (carcéral) était devenu fou, déclare-t-il à l'AFP. Il y avait des sans-papiers qui sortaient et revenaient, des drogués qui auraient dû être à l'hôpital, un policier condamné pour avoir abusé de sa fille et qui n'avait pas sa place avec nous. » A la Santé, un étage réservé aux « isolés » pour des raisons de sécurité (policiers, officiers ministériels, délinquants sexuels) ou par humanité. « Il y avait, poursuit-il, des présumés innocents et des gens qui n'avaient rien à faire là. Je n'ai pas réussi à justifier, personnellement, du point de vue de l'intérêt de la société, la présence d'un seul détenu provisoire. »« La prison, c'est l'école de la délinquance. Vous ne pouvez officiellement rien y apporter mais on y trouve tout. Le jeune de banlieue y devient un caïd. On montre au prisonnier que le fonctionnement qu'on lui reproche est en réalité le fonctionnement hypocrite de la société. On le punit de sa déviance et on le place dans l'univers le plus déviant. La réinsertion n'existe pas : l'individu qui sort de prison se dit qu'il a eu tort de se faire prendre mais que la société est déviante et qu'il faut faire comme elle. »
Dîners, débats, site Internet (groupemialetAnoos.fr), le Groupe Mialet entend exercer une pression constante. Il milite pour une diminution « considérable » du nombre des personnes incarcérées, en multipliant les peines alternatives et en réduisant la détention provisoire. Il réclame, aussi, la formation des prisonniers et l'amélioration des conditions d'incarcération, notamment du point de vue psychologique. « Tous les VIP » qui sortent de pénitenciers « témoignent, contrairement à d'autres détenus. Et ils sont très écoutés. Ils nous ont fait gagner dix ans », affirme Patrick Maret, porte-parole de l'Observatoire international des prisons (OIP)*.
Mortalité en hausse
Pour sa part, Act-Up dénonce « l'impossibilité d'accéder à une grâce médicale pour les prisonniers gravement malades ». L'association d'aide aux victimes du VIH exige un raccourcissement des délais et une simplification de procédure en la matière, notamment au profit des personnes atteintes du cancer et du SIDA. Pour des motifs inconnus, note l'OIP dans son rapport 2000, la mortalité naturelle en milieu carcéral, hors les suicides, a augmenté de 50 %, passant de 88 décès en 1997 à 133 en 1999. Les condamnés, touchés par une affection dont l'évolution est fatale, sont soumis au régime ordinaire d'aménagement des peines, et encore faut-il, pour décrocher une libération conditionnelle, avoir été condamné à une courte peine ou effectué la moitié de son temps derrière les barreaux. Quant aux grâces, elle sont souvent longues à obtenir, après expertise médicale. Aussi, en 1995, 98 prisonniers sont morts sous écrou, atteints pour la plupart du SIDA, d'un cancer, de tuberculose, de maladie cardiaque ou d'insuffisance rénale.
* Tél. 01. 47.70.47.01.
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