Moindre production d’énergie cérébrale

Des dysfonctions mitochondriales au cours du syndrome autistique

Publié le 01/12/2010
Article réservé aux abonnés

CECILIA Giulivi et coll. (Davis, Californie) le rappellent en préambule à leur article sur une dysfonction mitochondriale dans la survenue d’un syndrome autistique : les avancées scientifiques sur les causes de ces affections sont limitées. Il existe un accord général sur le rôle de facteurs à la fois génétiques et environnementaux. Mais, poursuivent-ils, certaines études ont « suggéré qu’une dysfonction mitochondriale et un métabolisme énergétique perturbé pourraient influer sur les déficits cognitifs et sociaux au cours de l’autisme ». À leur connaissance, il n’existe aucun travail systématisé, chez ces enfants, visant à étudier les changements dans la fonction mitochondriale, le nombre de copies d’ADN mitochondrial (ADNmt), les délétions de l’ADNmt et le stress oxydatif. C’est ainsi qu’est né leur projet d’étude observationnelle, à partir d’enfants recrutés au sein d’une plus vaste cohorte californienne.

L’étude a été menée auprès de 20 enfants de 2 à 5 ans, dont 10 témoins indemnes, et mise en place en 2003. La dysfonction mitochondriale et les anomalies de l’ADNmt ont été évaluées au sein des lymphocytes de tous les participants. De fait, des perturbations ont été relevées sur tous les marqueurs considérés.

Il existe, tout d’abord, une baisse de l’activité oxydative du NADH (nicotinamide adénine dinucléotide) par rapport aux témoins, avec des taux respectifs de 4,4 contre 12 (p = 0,001). Ensuite la majorité des enfants atteints d’un syndrome autistique (6 sur 10), avaient une activité du complexe I inférieure à celle des témoins. À l’inverse, huit des 10 enfants atteints avaient des taux de pyruvate plus élevés, ce qui semble cohérent avec une activité pyruvate déshydrogénase abaissée par rapport aux témoins (1 contre 2,3). Seulement deux participants avaient un taux de lactate majoré par rapport aux témoins. Les jeunes patients montraient une surproduction de péroxyde d’hydrogène mitochondrial, chez 5 d’entre eux il existait une surréplication d’ADNmt et, enfin, dans 2 cas existait une délétion du segment du cytochrome b.

Anomalies primitives ou secondaires.

Les altérations de ces divers paramètres confirment des anomalies des mitochondries lymphocytaires qui peuvent ou non fournir une explication étiologique, précisent les auteurs. Il, en effet, impossible de dire si les anomalies sont primitives ou au contraire secondaires à un événement qui reste à déterminer. « Toutefois, la dysfonction mitochondriale pourrait largement amplifier et propager des dysfonctions cérébrales telles que trouvées au cours de l’autisme, puisque les niveaux les plus élevés d’anomalies de l’ADNmt sont constatés dans les tissus post-mitotiques à forte demande énergétique (le cerveau). »

Au nombre des explications sur le rôle du déficit énergétique, les auteurs se penchent sur le taux du complexe pyruvate déshydrogénase de 50 % inférieur à celui des témoins. Il conduit à une élimination insuffisante de lactate et de pyruvate. Il s’ensuit une moindre production énergétique, cause elle-même de dysfonction cérébrale. Ils ajoutent avoir observé une production plus élevée de radicaux libres suggérant que chez ces enfants existe un stress oxydatif majoré au niveau cellulaire.

Les divers dysfonctionnements observés cumulés au cours du temps à un stress oxydatif pourraient influer sur les débuts ou sur la sévérité de l’autisme ainsi que sur les symptômes de comorbidité.

JAMA, vol 304, n° 201, pp 2389-2396.

 Dr GUY BENZADON

Source : Le Quotidien du Médecin: 8867