L E Dr Christine Mirabel-Saron, 43 ans, psychiatre à Sainte-Anne (Paris), a perdu définitivement la vue à la suite d'un accident de voiture en 1983. Elle pourrait aussi bien être « le seul praticien hospitalier de France à être handicapé », « car il n'y a aucun recensement en la matière ».
Aujourd'hui, elle doit « être au-dessus du lot » et « blindée », sinon rien ne lui est épargné. D'ailleurs, certains de ses confrères présentant des déficiences modérées, visuelles entre autres ou auditives, préfèrent cacher leur handicap. En comptant les diabétiques chroniques et les hypertendus, ils pourraient être plusieurs centaines à exercer la médecine avec une infirmité physique ou sensorielle. Le Dr Christine Mirabel-Saron, donc, a « compris qu'elle n'a rien à attendre de l'extérieur » mais « tout » d'elle-même. Concrètement, quand le bureau d'aide sociale de son domicile parisien lui dit, alors qu'elle est sans emploi, qu'on lui supprime l'aide aux transports, puisqu'elle a changé d'arrondissement, elle accuse le coup et saisit vite que « c'est comme ça et pas autrement ». Lorsqu'une crèche refuse d'accueillir ses enfants en invoquant son statut de médecin, elle dépose un recours auprès du maire et, « après un parcours du combattant », elle obtient des places. A Sainte-Anne, vacataire en 1988, elle se retrouve quatre ans plus tard dans une spécialité des plus pointues. C'est grâce à la psychothérapie comportementale et cognitive, dont elle coordonne dorénavant une unité, qu'elle entre de plain-pied, en quelque sorte, à l'hôpital. « Sans quoi, on ne m'aurait pas prise », affirme-t-elle. « Comme les autres, j'assure des astreintes et, bien sûr, je ne bénéficie d'aucune aide spécifique, secrétaire ou autres. Certes, ajoute-t-elle, on ne m'a pas mis de bâtons dans les roues. Je suis, en retour, tenue à un "plus" dans ma pratique. Mes collègues handicapés sont à la même enseigne. »
Des consultations d'une heure
Si les médecins handicapés ont appris à faire avec leur(s) déficience(s), et à se battre à l'image de la plupart des citoyens accidentés de la vie, ils aimeraient que leurs confrères valides s'ouvrent davantage au monde du handicap. « En effet, explique le Dr Christine Mirabel-Saron, nous, patientsporteurs d'invalidité, sommes amenés à fréquenter très souvent les cabinets médicaux à cause de notre infirmité. Or, il faut reconnaître que les praticiens sont un peu à côté de la plaque face aux handicapés, quels qu'ils soient. Il convient d'introduire, pour que cela change, dans le cursus universitaire, un module sur les handicaps. »
A défaut, l'annonce du diagnostic d'un handicap irréversible, avec ses conséquences et ses éventuelles complications, restera incomplète et relèvera, pour l'essentiel, du milieu associatif, comme l'a compris le Dr Christine Mirabel-Saron, membre du Groupement des intellectuels aveugles et amblyopes, qui a refusé « d'être exhibée devant un amphi alors que son cas, complexe, post-traumatique, réclame le devoir de réserve ».
Dans le même temps, suggère la psychiatre, il est impératif qu'une communication sociale (adresses, aides financières, etc.) s'instaure lors de la consultation médicale. « Les personnes handicapées connaissent, de fait, une vie plus précaire. » Les cabinets de soins, privés et publics, devraient aussi être aménagés en conséquence, bien qu'il n'existe pas d'obligation légale d'adaptation pour les handicapés moteurs. Enfin, il faut que le colloque singulier soit plus long. « Trop d'examens physiques sont négligés, les patients étant lents à se déshabiller par exemple, ou encore nombre de questions, telle la maternité, ne sont pas abordées, faute de temps. »
La solution belge de créer des consultations gynécologiques spécialisées pour handicapées est une réponse, au même titre que la majoration du prix de la consultation, « qui devrait durer 60 minutes et non 20 », à moins de faire venir le malade « deux fois dans la semaine ».
En définitive, le moment est venu de lever certains tabous et de sensibiliser les médecins à « la nécessité d'une autre prise en charge de leurs patients handicapés ». La mise en place d'un DU spécialisé est le premier pas vers une formation mieux adaptée. Elle donnerait lieu à un certificat à part entière dans le cursus des études médicales. C'est là le thème d'une table ronde au MEDEC, aujourd'hui*, mercredi 14 mars, à laquelle participe le Dr Christine Mirabel-Saron.
* Mercredi 14 mars, 14 h, palais des Congrès, porte Maillot, Paris.
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