ARTS
PAR JEAN-JACQUES LEVEQUE
V ISITER un musée c'est aussi, parfois, avoir rendez-vous avec une seule uvre, que l'on veut analyser, déguster, au milieu d'une trop grande richesse qui parfois lui nuit. C'est bien l'un des paradoxes du musée que de son abondance même peut naître une connaissance superficielle des uvres d'art. Pour palier cet inconvénient, de plus en plus souvent les musées proposent un dossier axé sur une seule uvre, proposant de la mieux connaître dans son contexte technique et historique.
C'est ce qui est fait au Louvre (jusqu'au 2 avril) pour la « Sainte Françoise Romaine », que Poussin avait peint en 1657 pour le cardinal Giulio Rospigliosi, qui fut pape sous le nom de Clément IX, en 1667.
Cette uvre d'une rare qualité va rejoindre la collection des Poussin du Louvre, pour l'essentiel en provenance des collections de Louis XIV.
Vendue par les descendants du commanditaire, l'uvre passa dans la famille d'un secrétaire de l'Académie de France à Rome, Alexis Le Go, et cédée par les héritiers qui ne s'y intéressaient pas à un brocanteur de Marseille chez lequel elle fut retrouvée et identifiée.
Par un hasard extraordinaire, Poussin conçoit son uvre en se positionnant par rapport au Bernin qui avait lui aussi reçu commande d'une « confessione » représentant la sainte en marbre blanc dans une attitude d'extase. Et cette uvre elle aussi a connu des vicissitudes. Emportée par les occupants français en 1798, elle disparut et fut remplacée depuis par une copie. Ce dialogue entre le plus grand « baroque » et le classique Poussin a valeur de leçon. A un certain degré de génie, les oppositions s'effacent.
C'est également une uvre récemment retrouvée de Georges de La Tour que propose le musée des Beaux-Arts de Nantes (jusqu'au 27 mai), « Saint Jean-Baptise dans le désert ». Une uvre singulière témoignant d'un usage de la lumière inédit chez l'artiste, qui suscita lors de sa découverte en 1993 bien des interrogations.
Confrontée ici à trois autres uvres de l'artiste, illustrant trois facettes de son style, elle amplifie la vision que l'on peut en avoir. Par sa facture sobre, grave, elle donne la mesure de la modernité de l'artiste en son temps.
C'est une uvre de Corot, « Bretonnes à la fontaine », que le musée du Louvre a confié en dépôt au musée des Beaux-Arts de Quimper (jusqu'à la fin de l'année). Choix judicieux puisque l'uvre retrouve son lieu d'origine. Corot, grand voyageur, est venu à huit ou neuf reprises en Bretagne, sans jamais toutefois y chercher le pittoresque, mais sensible à la qualité de la lumière marine. Une analyse radiographique de l'uvre révèle qu'il avait d'abord reporté sur la toile l'exactitude du paysage de Batz-sur-Mer, qui est le site représenté, puis a pris le parti de le dépouiller de tout apport architectural trop typé pour donner plus de souffle encore à l'allure désolée de ces dunes et conférer à l'activité traditionnelle des femmes un caractère plus fort. Une liberté prise à l'égard du sujet qui annonce ce qui deviendra bientôt un procédé largement partagé par les peintres.
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