C' EST un fait : même si les médecins « ont accepté une certaine médicalisation de la sexualité de leurs patients », il n'en demeure pas moins qu'ils sont gênés, du fait d'un manque manifeste de formation, pour aborder le sujet avec leurs patients. Il est sûr que c'est difficile, car la santé sexuelle intègre des aspects somatiques, affectifs, intellectuels et sociaux.
Si le rôle du médecin est tourné vers la partie somatique, il ne peut toutefois occulter tous les éléments psychologiques, relationnels qui lui sont liés, et inversement. Dans le houleux dialogue sur la sexualité, le médecin (comme son patient) porte le lourd héritage de la civilisation judéo-chrétienne qui, comme le souligne le Dr Sylvain Mimoun, « a toujours valorisé l'esprit et la partie haute du corps humain » aux dépens de la partie « au-dessous de la ceinture », où des sentiments d'impureté, de saleté, de culpabilité sont liés et renforcés par la menace toujours présente des maladies sexuellement transmissibles. A cela, s'ajoute la définition même d'une sexualité normale, la sexualité étant « une fonction physiologique comme une autre... mais facultative », vécue de façon différente par chacun, mythifiée actuellement par la télévision, les magazines.
La « non-santé » sexuelle est essentiellement fondée sur la souffrance et sur la demande.
La souffrance
La souffrance : certains patients arrivent à exprimer avec beaucoup d'angoisse, de honte, de culpabilité, une souffrance que d'autres n'osent exprimer, surtout les personnes âgées, « car les médecins sont là pour des maladies, des douleurs et non pas pour faire retrouver du plaisir... ». Ils ignorent que les médecins peuvent les écouter, les aider dans leurs difficultés sexuelles, car « la médecine qui les a soignés, les traite, au prix de difficultés sexuelles parfois, le médecin ne parlant pas de sexualité ». Quant à la demande sans souffrance, elle est rare et concerne le plus souvent des personnalités perverses, soit immatures ou déracinées.
Si le patient ose aborder ses difficultés de dysfonctionnements érectiles, de non-santé sexuelle, avec son médecin, celui-ci aura tendance à répondre selon sa propre opinion, en « projetant son idée individuelle de bonne sexualité ». Si le patient n'exprime pas ses dysfonctionnements sexuels, même si ceux-ci « envahissent toute sa pensée », le médecin aura du mal à les lui faire dévoiler. Les mots sont difficiles à trouver, on reste dans un langage métaphorique ou sibyllin, où « l'innommable reste innommé ».
C'est sur ces réflexions, et pour remédier à un tel état de fait, qu'a été élaborée une FMC sur « Dialogue et sexualité », en partenariat avec les Laboratoires Pfizer.
La notion d'évaluation de la sexualité
Ce programme fait suite au vaste programme ODE, (Objectif Dysfonction Erectile), mis en place en 1999 par l'AFU, l'AIHUS, la SALF avec les Laboratoires Pfizer, et dont 40 000 médecins généralistes ont bénéficié. Destinée à des médecins généralistes, cette formation, réalisée avec un comité scientifique, a pour vocation d'introduire la notion d'évaluation de la sexualité dans la pratique médicale. « Sans vouloir transformer les médecins généralistes en sexologues », cette formation, qui devrait réunir plus de 10 000 généralistes en deux ans, leur propose une approche simple, pratique, de quelques techniques de communication pour donner au patient le moyen d'exprimer sa souffrance, pour une meilleure maîtrise des comportements, pour permettre une meilleure connaissance des attentes du patient et, par-là même, favoriser le dialogue et la gestion de la prise en charge globale de la santé sexuelle.
Commençant par un film « starter » sur le thème du tango, des rappels théoriques sur la place de la sexualité dans une consultation médicale, sur la santé sexuelle et la qualité de vie, sur la façon d'engager un dialogue avec les patients souffrant de troubles érectiles... sont proposés au cours de ces séances de formation.
Jeux de rôle
Des jeux de rôle mettant en situation les participants complètent les séances. Ils ont pour but d'ajouter à la compréhension purement intellectuelle de l'exposé, « une dimension d'expérience vécue qui permet une saisie plus concrète des difficultés, des possibilités de la situation et du rôle à tenir ». Comme le souligne J.-M. Petot, professeur de psychologie à l'université Paris X, « la répétition des jeux de rôle a également pour résultat de dédramatiser ce que la situation d'entretien sur les difficultés sexuelles des patients pouvait avoir de gênant pour certains médecins ».
MEDEC. Conférence de presse des Laboratoires Pfizer avec la participation du Dr Marie Chevret-Measson (psychiatre sexologue), du Dr Sylvain Mimoun (gynécologue, andrologue), de J.-M. Petot (professeur de psychologie) et du Dr J.-L. Petit (Laboratoires Pfizer).
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