ESST : un train de mesures pour aider médecins et patients

Publié le 14/03/2001
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A PRES avoir reçu, en décembre dernier, les familles de victimes du nouveau variant de la maladie de Creutzfeldt-Jakob, Elisabeth Guigou leur avait promis une aide de secours et d'urgence de 200 000 F par famille, ainsi qu'une circulaire destinée à améliorer le suivi des patients à travers ses différentes modalités, tant médicales que sociales (« le Quotidien » du 22 janvier).
Une dizaine de semaines plus tard, c'est chose faite. La ministre de l'Emploi et de la Solidarité vient de signer, avec son ministre délégué à la Santé, Bernard Kouchner, la circulaire « relative à la prise en charge des personnes atteintes d'encéphalopathies subaiguës spongiformes transmissibles ».
Les dispositions qui y sont détaillées bénéficient à toutes « les personnes souffrant de maladies dégénératives incurables entraînant une dégradation physique et intellectuelle rapide et d'évolution fatale en quelques mois » : la MCJ classique, ou sporadique, la plus courante, avec environ 80 cas par an en France, qui frappe généralement des personnes âgées ; la MCJ génétique, les rares cas d'origine familiale pour lesquels on peut retrouver une anomalie génétique de transmission autosomique dominante ; la MCJ iatrogène, avec également de rares cas liés à l'utilisation d'un dérivé de l'hormone de croissance et à des greffes de cornée ou à l'emploi d'instruments contaminés lors d'interventions cérébrales ; le nouveau variant, avec pour le moment 3 cas en France (deux certains et un probable) et 90 au Royaume-Uni, des malades plus jeunes que les autres victimes de MCJ.
Tous ces patients et leurs familles pourront percevoir, avec des procédures d'attribution urgentes, des aides financières dans les limites d'un plafond fixé à 200 000 F (allocation d'éducation spéciale et allocation de présence parentale pour les enfants ; allocation compensatrice pour l'aide d'une tierce personne et majoration tierce personne pour les adultes).
Des aides fiscales et des exonérations de charges sont aussi prévues pour l'emploi d'un salarié à domicile (réduction d'impôt de 50 % sur les sommes versées au salarié et exonération totale des charges patronales pour l'emploi d'une aide à domicile).
La circulaire recommande par ailleurs, pour tout patient faisant l'objet d'un diagnostic de probabilité, la désignation d'une personne référente, par exemple un assistant social, pour coordonner la communication avec les professionnels de santé, l'accès à des structures d'accueil, aux aides financières ou l'accompagnement psychologique de la famille et des aidants. En particulier, il devra veiller à « l'organisation optimale des soins infirmiers et paramédicaux, de l'aide à la vie quotidienne, du soutien psychologique, y compris des proches, de la prise en charge de la douleur et des soins palliatifs ».

L'annonce par le médecin

Mais c'est naturellement au médecin qu'il incombe d'annoncer la probabilité du diagnostic. C'est lui qui, selon l'état du patient, sera juge du moment et des modalités de cette annonce. Il lui est recommandé, compte tenu de la charge émotionnelle que revêt ce type d'annonce, comme pour toute pathologie incurable, de « se faire accompagner du médecin responsable du service et de s'assurer de la disponibilité d'une personne en mesure d'apporter un soutien immédiat au patient et aux proches après l'entretien ».
Les ESST ne peuvent actuellement être dépistées et seul l'examen anatomo-neuropathologique post mortem permet de confirmer le diagnostic en constatant la présence d'anomalies spongiformes microscopiques caractéristiques, la circulaire ne recommandant pas, pour d'évidentes raisons éthiques, une biopsie du cerveau sur le patient suspect d'une contamination.
Compte tenu de la difficulté à poser un diagnostic probable, une cellule nationale de référence des ESST humaines est créée pour venir en aide aux médecins. Elle les conseillera sur les modalités de diagnostic, les examens à pratiquer (voir encadré) et l'interprétation des résultats. Elle sera installée à l'hôpital Pitié-Salpêtrière, à Paris (où sont déjà regroupés les différentes structures nationales sur les ESST, comme le centre national de référence de la MCJ iatrogène).
Pour améliorer la surveillance de la maladie, un réseau composé de 13 centres régionaux sera chargé d'effectuer les autopsies de confirmation, alors que les suspicions seront notifiées obligatoirement par le médecin à la direction départementale des Affaires sanitaires et sociales (DDASS), puis à l'Institut national de veille sanitaire (InVS) et à l'INSERM (unité 360, chargée de l'épidémiologie des ESST humaines).
Mais la tâche, souligne la circulaire, est « particulièrement difficile », car l'incertitude clinique combinant symptômes somatiques et psychiatriques, la rareté de la maladie (1,4 cas par million d'habitants et par an, toutes formes confondues), l'émergence d'une nouvelle forme dont le tableau clinique peut encore évoluer, sans parler du haut degré de médiatisation, constituent autant de défis pour les professionnels de santé.

Les différents diagnostics de probabilité

Les signes cliniques et les examens varient selon les formes de MCJ *:
• Forme sporadique
Atteinte des fonctions intellectuelles (démence) progressive :
- et au moins 2 des 4 signes neurologiques suivants : myoclonies, signes visuels ou cérébelleux, signes pyramidaux ou extrapyramidaux, mutisme akinétique ;
- et électroencéphalogramme typique ou détection de la protéine 14.3.3 dans le liquide céphalo-rachidien.
• Forme génétique
Détection des anomalies sur le gène codant la protéine prion par étude de l'ADN prélevé par prise de sang ; cette étude n'est réalisée qu'avec le consentement du patient ou de sa famille.
• Formes iatrogènes liées à l'hormone de croissance d'origine humaine :
4 critères obligatoires pour un diagnostic probable :
- administration d'hormone de croissance extractive avant 1988 ;
- absence de signes de récidive de l'affection ayant nécessité le traitement par hormone de croissance ;
- dégradation sévère et continue pendant au moins 3 mois ;
- présence d'une dégradation intellectuelle avec, au moins, 3 des signes suivants : syndrome cérébelleux, syndrome pyramidal, rigidité, myoclonie, troubles oculo-moteurs, anomalies sur l'électroencéphalogramme, anomalies sur l'électrorétinogramme, détection de la protéine 14-3-3 dans le liquide céphalo-rachidien, ponction lombaire et IRM normales.
• Autres formes iatrogènes
Même critères que la forme sporadique probable et notion d'un traitement pour lequel l'enquête épidémiologique permet d'établir la possibilité de transmission de la maladie (greffe de dure-mère ou exceptionnellement greffe de cornée).
• Nouveau variant :
- Tous les critères suivants : trouble neuropsychiatrique progressif ; durée de la maladie supérieure à 6 mois ; pas d'autre diagnostic après les examens de routine ; pas d'antécédent iatrogène potentiel.
- Au moins 5 critères parmi les suivants : signes psychiatriques précoces ; symptômes sensitifs douloureux persistants ; ataxie ; myoclonie ou chorée ou dystonie ; démence ; pas d'anomalie électroencéphalographique typique de la forme sporadique ; hypersignaux bilatéraux des pulvinars sur l'IRM.
- Biopsie d'amygdale positive.

* Extrait de l'annexe 4 de la circulaire.

Ch. D.

Source : lequotidiendumedecin.fr: 6877