L ES éleveurs britanniques, pas encore remis de l'épizootie de la vache folle, pouvaient espérer que le désastre était derrière eux. Mais les voilà, à nouveau, au bord de l'abîme.
Cette fois, c'est la faute d'un virus, de la famille des picornavirus, qui a provoqué 27 cas de fièvre aphteuse chez des cochons. L'épidémie a été détectée dans un abattoir de l'Essex, dans le sud-est du pays. Selon le ministère britannique de l'Agriculture, d'autres cas auraient été identifiés dans une ferme, près de Stoud (Gloucestershire, ouest de l'Angleterre).
Les autorités ont immédiatement mis en place un périmètre de sécurité autour de l'abattoir et de la ferme incriminée. Tous les déplacements de bétail y ont été interdits dans un rayon de 10 miles (16 km), pour les ruminants (vaches, moutons, chèvres), ainsi que les porcs et les vétérinaires procèdent à des examens dans tous les élevages des environs.
La terrible épidémie de 1967-1968
Les autorités politiques et les organisations professionnelles sont d'autant plus choquées par l'affaire que toutes gardent en mémoire la terrible épidémie de 1967-1968, qui avait affecté environ 2 500 fermes et entraîné la destruction de 433 987 animaux.
Les conséquences économiques de cette nouvelle épizootie menacent d'être dramatiques, avec l'embargo que la Commission européenne a décidé d'appliquer sur toutes les exportations d'animaux vivants, de viande et de produits laitiers en provenance du Royaume-Uni. Une mesure qui s'appliquera au moins jusqu'au 1er mars, mais qui sera maintenue « pendant des semaines, plus vraisemblablement que pendant des jours et plus vraisemblablement que pendant de longs mois », a pronostiqué David Byrne, le commissaire européen en charge de la Santé et de la Consommation.
Contagion fulminante
C'est que le virus à l'origine de l'épidémie est extrêmement redoutable, avec une contagion qualifiée par les vétérinaires de « fulminante ». Elle peut s'opérer « par les déjections, par la salive, par voie aérienne, précise au « Quotidien » André Parodi, professeur d'anatomo-pathologie à l'Ecole nationale vétérinaire de Maisons-Alfort, ou encore par des vecteurs inanimés comme des chaussures ou des vêtements. Sont frappées les espèces animales dites à doigts fourchus (cochons, sangliers, moutons, cervidés), mais d'autres espèces solipèdes (chevaux, carnivores, oiseaux) peuvent transmettre le virus pathogène, comme ce fut le cas dans le passé avec des mouettes. »
Un dispositif de « préalerte du plan d'urgence fièvre aphteuse » a été activé en France par la direction générale de l'Alimentation (DGAL, ministère de l'Agriculture). Les services vétérinaires, dans ce cadre, ont commencé à recenser les exploitations qui ont reçu du Royaume-Uni des animaux des espèces sensibles à la fièvre aphteuse au cours des 30 derniers jours. Les mêmes services vétérinaires vont encore effectuer des visites de contrôle de l'état de santé des animaux sensibles présents dans leur région.
En outre, des données météorologiques vont être analysées à la loupe, pour étudier la force et la direction des vents entre la France et le Royaume-Uni au cours des quinze derniers jours et des prévisions sur 36 heures vont être transmises aux spécialistes.
Pas d'inquiétude pour la santé humaine
Si les enjeux pour la santé animale paraissent majeurs, aucune inquiétude n'est justifiée pour la santé humaine. « L'homme peut attraper des aphtes, mais certainement pas la fièvre aphteuse », assure au « Quotidien » Alain Rérat, professeur à Maisons-Alfort et membre de l'Académie de médecine.
« Nous enseignons à nos étudiants qu'il n'y a pas de transmissibilité humaine, précise André Parodi, même si on ne peut pas l'affirmer de manière totalement péremptoire. Des cas extrêmement rares ont été rapportés mais ils sont sans rapport avec la forme animale de la maladie : d'un caractère bénin et sporadique, ils s'agit d'affections cutanées et de la muqueuse. La guérison intervient spontanément sous 48 heures sans laisser de séquelle. »
Selon David Byrne, l'urgence est aujourd'hui de déterminer le foyer d'origine des cas britanniques. Pour le chef des services vétérinaires du ministère britannique de l'Agriculture, Jim Scudamore, le virus de cette nouvelle épidémie est de « type O, qualifié de très virulent et d'origine asiatique ».
Vérifications en cours au Salon de l'agriculture
Des prélèvements sanguins ont été effectués sur les moutons britanniques exposés au Salon de l'agriculture et ce dès l'annonce par Londres de cas de fièvre aphteuse porcine dans l'Essex. Les résultats des analyses effectuées par un laboratoire de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) devraient être rendus publics aujourd'hui. Mais les moutons britanniques présentés porte de Versailles provenant de « zones très éloignées » de la région de l'Essex, le directeur pour la France de l'Office de la viande de Grande-Bretagne attend les résultats des prélèvements avec « une grande sérénité ».
Plus aucun animal en provenance du Royaume-Uni n'a été accepté jusqu'à la fermeture, hier, du Salon. Ainsi, a annoncé le porte-parole de la direction générale de l'Alimentation, un camion qui transportait des chevaux britanniques a été intercepté et refoulé hors du territoire français.
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