TOUT CANDIDAT à la présidence doit prendre garde à ne pas tomber dans l'irresponsabilité pendant la bataille. A propos de l'émeute de la gare du Nord, on a entendu des commentaires excessifs : Nicolas Sarkozy s'oppose aux émeutiers («Je n'ai rien à voir avec ces gens-là) comme s'ils s'étaient dressés contre lui personnellement ; il peut n'accorder aucune excuse aux fauteurs de trouble sans avoir l'air de faire le coup de poing avec eux. M. Sarkozy n'entend pas ceux qui lui conseillent de ne pas mettre de l'huile sur le feu, de rassurer ses concitoyens, de prendre de la distance par rapport aux actes de violence, dont la gratuité nous fait tous bondir d'indignation, mais nous ne sommes pas candidats.
Les resquilleurs ont raison.
A gauche, ce n'est guère mieux dès lors que Dominique Voynet juge trop sévères les condamnations prononcées, que Ségolène Royal affirme que «nos concitoyens ont peur» de la politique conduite par M. Sarkozy et que c'est pour cette raison que des passagers ont pris fait et cause pour le resquilleur et contre la police. Si elle est élue, Mme Royal devra se porter garante de l'ordre établi, et c'est elle qui a forgé l'expression « ordre juste ». Elle ne nous fera pas croire que, quand un resquilleur se met à hurler et appelle la foule à la rescousse, comme si on était en train de l'égorger, c'est lui qui a raison, et pas les contrôleurs. Les sondages, on ne les compte plus, semblent montrer que, chaque fois qu'une mesure de répression est appliquée, une majorité de Français l'approuve. Ce qui expliquerait d'ailleurs que M. Sarkozy n'hésite jamais à montrer les dents ; cela heurte ceux qui préfèrent un peu de subtilité dans le discours, mais plaît à beaucoup d'autres.
On notera aussi que la gauche laisse dire quelques incongruités : par exemple, que, pour régler le problème de la fraude dans les transports publics à Paris, il suffit qu'ils soient gratuits, ce qui « ne coûterait » que 2 milliards d'euros par an. Tout le monde s'y connaît en dépenses, personne ne propose d'augmenter les recettes. Ce syndrome national n'a décidément pas disparu. D'ailleurs, on vient d'accorder la gratuité des transports en commun aux RMistes d'Ile-de-France, et on a eu droit, sur une radio, à un reportage sur un RMiste de 40 ans, au RMI depuis six ans, qui, enfin, est soulagé : il n'aura plus la crainte de rencontrer un contrôleur et pourra «lire tanquillement le journal». Le reporter ne lui a pas demandé pourquoi le prix du billet n'est pas, à ses yeux, une priorité plus grande que le prix du journal.
La querelle du chômage.
Voilà dans quelle ambiance se déroule la campagne, avec un durcissement des positions, Sarko plus à droite, Ségo plus à gauche, et Bayrou toujours très négatif pour tous les autres. Personne ne reconnaîtra, en pleine campagne, que le gouvernement de Dominique de Villepin a quand même réussi à faire baisser le chômage. Il affiche un taux de 8,4 %, le plus bas depuis 1980, Eurostat conteste et prétend que le taux, en réalité est de 8,8 %. L'Insee ne cache pas son ressentiment, la gauche et les syndicats pavoisent : on vous l'avait bien dit, que tout ça était truqué !
Balivernes : à 8,8 ou 8,4, le chômage a considérablement diminué et, si ce n'est pas grâce au gouvernement, c'est grâce aux entreprises. De même, Thierry Breton a raison de se satisfaire d'un déficit 2006 limité à 2,5 % du PIB et d'une dette nationale ramenée à 64 %. Ce sont là des résultats d'autant plus remarquables qu'ils ont été obtenus à la force du poignet, avec un taux de croissance certes en hausse, mais seulement de 2,1 %.
On ne voit pas pourquoi Mme Royal est incapable de reconnaître que le gouvernement sortant a quelques succès à son actif et de dire que, si elle est élue, elle essaiera de faire mieux ; pourquoi elle ne dit pas que son objectif, c'est l'éradication du chômage et une réduction sensible de la dette ; pourquoi, de son côté, M. Sarkozy a renoncé à baisser les prélèvements obligatoires, admission implicite qu'il est incapable d'y parvenir ; pourquoi les candidats ne défendraient pas des objectifs identiques, à poursuivre avec des méthodes différentes.
L'idée que tous les coups sont permis pendant la campagne est lassante, décevante. C'est le pays, ce sont les gens, les pauvres, les chômeurs, les petits salariés qui ont besoin de la sollicitude des candidats. Il ne s'agit pas de l'emporter en réduisant à néant l'action de l'adversaire : cela ôte toute crédibilité à l'orateur.
INUTILE DE MEDIRE SUR LES SONDAGES, ILS DONNENT DU PIMENT A LA CAMPAGNE
Le point sur les sondages.
Et où en sommes-nous ? J'admire la pudibonderie des médias, soudain convaincus qu'ils ne doivent pas accorder d'importance aux enquêtes d'opinion, sous le prétexte qu'elles faussent le jugement de l'électeur, porté à suivre le courant majoritaire. Résultat : il y a eu cette année plus de sondages qu'en 2002 et on se les passerait presque sous le manteau. Les journaux qui les commandent n'en font pas leur manchette, sauf « le Parisien » ; l'agence France-Presse les mentionne en quelques lignes et sans commentaires ; d'autres journaux refusent d'en faire et d'en publier.
Mais, enfin, soyons sérieux : comment peut-on dire que M. Sarkozy continue à faire la course en tête si on ne s'est pas reporté aux sondages ? Ou que M. Bayrou a perdu au moins quatre points et que, à moins de 20 %, il est beaucoup moins menaçant pour Ségo et Sarko ? Ou que Mme Royal n'a plus qu'un point d'écart avec M. Sarkozy et qu'elle semble en mesure de poursuivre son ascension, ce qui élimine, au moins pour l'instant, l'hypothèse de sa chute au premier tour et celle d'une victoire éclatante de M. Sarkozy ?
D'ailleurs, comment Mme Royal aurait-elle conquis le PS si les sondages n'avaient démontré qu'elle était la plus populaire des socialistes ? Qu'est-ce qui a empêché Dominique de Villepin de se présenter ou Jacques Chirac de briguer un troisième mandat, sinon les sondages unanimes à montrer que ni l'un ni l'autre n'avaient la moindre chance ?
Deux directeurs d'institut ont réagi avec vigueur aux « calomnies » dont ils font l'objet. Ils ont réaffirmé qu'ils travaillent « scientifiquement » et qu'ils ne désavoueront pas une méthode de calcul éprouvée depuis des décennies. Eprouvée ? Ils n'ont quand même pas prévu le triomphe de Le Pen et l'élimination de Jospin en 2002. Sans accorder une fiabilité excessive aux sondages, on a besoin d'un instrument de mesure, fût-il approximatif. Voilà tout.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature