L’Europe de la pédiatrie

Harmoniser la formation pour favoriser la mobilité

Publié le 18/11/2013
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L’Europe de la pédiatrie est en train de se construire peu à peu. « Un large travail d’harmonisation est actuellement en cours au niveau de toutes les spécialités médicales, dont la pédiatrie. L’objectif est de suivre les recommandations européennes et de faire en sorte qu’à terme, tous les pédiatres des pays de l’Union soient formés en cinq ans. C’est un objectif qui, il faut en être conscient, ne sera pas facile à atteindre car, comme en France, il y a des obstacles notamment politiques et budgétaires. Mais les choses sont quand même en train d’avancer », indique le Pr Jean-Christophe Mercier. Le Pr Mercier connaît particulièrement bien tous les arcanes du monde médical européen. Il est le délégué de la Société Française de Pédiatrie (SFP) aux côtés du Dr Francis Rubel, qui y siège en tant que délégué du Syndicat National des Pédiatres Français (SNPF), auprès de la `European Academy of Paediatrics (EAP)/paediatric section de l’Union Européenne des Médecins Spécialistes (UEMS) Il est en aussi `chairman’ du groupe de soins tertiaires au sein de l`EAP. « L’UEMS est le syndicat représentant tous les médecins spécialistes en Europe dont le nombre est estimé à 1,4 million. Il compte 40 sections qui correspondent à 40 spécialités différentes. L’UEMS est un interlocuteur privilégié de la Commission de Bruxelles et du Parlement de Strasbourg », explique le Pr Mercier.

Un des grands objectifs de l’UMES est de faire appliquer la directive 93/16/CEE qui prévoit une harmonisation des parcours de formation des différentes spécialités médicales. « Cela permettra de favoriser davantage la mobilité des médecins entre les différents pays européens. Aujourd’hui, dans le domaine de la pédiatrie, cette mobilité existe encore assez peu. On voit certes pas mal de médecins hollandais, belges, allemands, scandinaves et même italiens, aller travailler en Angleterre car ils sont à l’aise dans le maniement de la langue anglaise. Cette question de la langue constitue une barrière réelle mais cela commence à s’estomper car les nouvelles générations de praticiens français parlent de mieux en mieux l’anglais », observe le Pr Mercier.

Une formation en 5 ans

Aujourd’hui, plus de 50 % des pays de l’Union européenne ont un cursus de pédiatrie d’une durée de 5 ans. « Dans ces pays, parmi lesquels on trouve notamment l’Angleterre et l’Allemagne, il y a un tronc commun de trois ans, suivi d’une spécialisation de deux ans. 25 % des pays européens, dont la France et la Grèce, ont un cursus de quatre ans et 21 % d’entre eux un cursus de seulement trois années. Dans cette dernière catégorie, on recense notamment les pays de l’ex-Europe de l’Est où la formation médicale a longtemps eu une philosophie un peu différente avec l’existence d’officiers de santé », explique le Pr Mercier.

En France, les instances de la pédiatrie ont commencé à réfléchir aux modalités qui pourraient permettre d’allonger la formation des pédiatres, en la faisant passer de quatre à cinq ans. « C’est loin d’être acquis en raison d’un possible blocage du côté de Bercy pour des raisons financières. Notre souhait serait donc de suivre les recommandations européennes avec un « tronc commun » de trois ans suivi de deux années de surspécialités dont une année de mise en responsabilité au cours du post-internat », indique le Pr Mercier. L’idée serait de pouvoir intégrer toutes les surspécialités dont celle de pédiatrie générale et communautaire au sein de la spécialité de pédiatrie. Cela permettrait notamment de régler le problème des quelque 50 DU, DIU et formations complémentaires en pédiatrie organisés par les différentes universités. On recense en effet le nombre incroyable d’environ 1 000 DIU et DU de médecine spécialisée en France.

Il reste encore certaines disparités dans l’exercice de la pédiatrie entre les différents pays européens. « Globalement, plus vous allez vers l’Est ou le Sud, plus vous avez de pédiatres et très peu de généralistes qui s’occupent des enfants. Plus vous montez vers l’Ouest ou le Nord, dans des pays tels que l’Angleterre, la Suède, le Danemark, la Norvège, plus les enfants, en ville, sont très largement suivis par des médecins généralistes tandis que les pédiatres ont encore très massivement un exercice hospitalier », constate le Pr Mercier, en insistant toutefois sur le fait que, peu à peu, les choses sont quand même en train de changer. « On commence par exemple à trouver en Angleterre quelques pédiatres de premier recours, qui sont des libéraux. Ils jouent un rôle de trait d’union entre l’hôpital et les médecins généralistes ».

Le Pr Mercier tient aussi à démentir l’idée, avancée par certains, que la prise en charge des enfants par des pédiatres serait une spécificité très largement française. « En Italie, par exemple, la loi impose que tous les enfants soient suivis par un pédiatre jusqu’à l’âge de 8 ans. Et il y a plus de pédiatres en Italie qu’en France. C’est la même chose en Allemagne où l’on recense environ 15 000 pédiatres contre 7 000 en France. Parmi ces 7 000 pédiatres, il y a environ 1 500 hospitaliers et 1 500 praticiens ayant une pratique libérale à temps plein. Les autres exercent soit à temps partiel, soit dans des centres de santé ou de PMI ».

D’après un entretien avec le Pr Jean-Christophe Mercier, chef du service des urgences pédiatriques de l’hôpital Robert Debré à Paris, professeur de pédiatrie à l’université Paris Diderot, président du Collège National des Universitaires de Pédiatrie (CNUP) et chairman du groupe de soins tertiaires de la European Academy of Paediatrics (EAP).

 Antoine DALAT

Source : Bilan spécialistes