Il n’aurait pas été révoltant que la classe politique demande des comptes au pouvoir et aux services de renseignements au sujet d’une opération terroriste qui a fait près de 130 morts et 350 blessés au cœur de Paris. L’ampleur de la tragédie décrit aussi un échec historique du gouvernement. La sidération créée par ce sommet de violence imprévisible a pratiquement mis un baillon sur la bouche des contempteurs professionnels. Le réalisme des experts a ensuite montré que n’importe quel gouvernement aurait été confronté au même drame. Enfin, la colère, la révolte, le chagrin du peuple ont joué, comme en janvier dernier, en faveur d’un regain d’unité nationale. Tous éléments qui ont apporté à François Hollande des circonstances nouvelles dont, jusqu’à présent, il a fait le meilleur usage.
Il a réalisé en effet la synthèse des opinions et des réclamations formulées par les partis. L’état d’urgence et sa prolongation ont permis et permettront de mettre tous les djihadistes sur la défensive et, on l’espère, de les contraindre à différer leurs projets. Le recrutement de milliers de personnes pour la justice et la police va soulager ceux qui, depuis plus de dix mois, sont soumis à des horaires de travail accablants. Le chef de l’État réclame en outre une révision de la Constitution qui autorise le gouvernement à utiliser contre les terroristes des procédures rapides, pour ne pas dire expéditives, et il se présente comme le garant d’une démocratie contrainte de se durcir pour échapper à la vulnérabilité. François Hollande joue sur du velours : si vous demandez aux Français s’ils acceptent d’être fouillés pour ne pas être assassinés à la terrasse d’un restaurant, vous connaissez déjà la réponse. Le sujet ne doit pas être pris à la légère : le reflux de la démocratie, c’est l’un des objectifs de Daech. Le moins que l’on puisse faire, c’est de résister à une dérive autoritaire.
Rien de mieux qu’un patron.
Mais qui avons-nous de mieux pour défendre nos libertés en dépit de la tourmente, sinon le président qui a été élu au suffrage universel ? Dans la course à la présidence déjà commencée, les chances de M. Hollande s’améliorent. Les réserves d’un Nicolas Sarkozy ont été vite balayées par les fermes décisions annoncées lundi par le président. La surenchère habituelle du Front national n’était pas plus crédible : c’est parce que M. Hollande est de gauche que la politique sévère, implacable contre le terrorisme, inquiétante pour nos institutions, gênantes pour notre liberté et ce mode de vie auquel, M. Hollande l’a rappelé lui-même, nous sommes tellement attachés, est acceptable pour l’opinion publique. Personne ne voit le président comme un homme capable de se transformer en tyran. Son allure débonnaire fonctionne comme la caution de nos droits.
Non seulement il a redoré son blason, mais il travaille inlassablement sur tous les fronts. L’horreur des attentats fait de lui le rempart d’un peuple épouvanté, les excès des djihadistes finissent par mettre tout le monde d’accord. Vladimir Poutine reconnaît que l’avion de ligne russe qui a explosé en vol au dessus du Sinaï a été victime d’une bombe posée par l’État islamique (EI). Barack Obama a été le premier à réagir aux attentats en France avec une compassion de bon aloi. Là aussi, c’est le fameux alignement des planètes : une coalition internationale comprenant la Russie et les États-Unis devient possible, et même probable, pour lutter contre Daech en Syrie. On examinera le cas de Bachar plus tard. Pour le moment, Europe, Russie et Amérique peuvent s’unir. Et, d’une pierre, deux coups, la France avertit ses partenaires européens : elle a besoin d’investir beaucoup dans sa sécurité et, dans ces conditions, elle ne pourra pas respecter le calendrier de la résorption de son déficit budgétaire. Elle n’aurait pas pu de toute façon. Elle saisit une excuse que peu d’Européens auront le cœur de dénoncer. On va voir ce qui va se passer aux régionales.
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