Très attendu, le décret relatif aux conditions d'évaluation et de prise en charge par l'assurance-maladie de médicaments homéopathiques a été publié dimanche au « Journal officiel ». Prévu par la loi de financement de la Sécurité sociale 2019, ce texte fixe enfin les critères d'évaluation de ces médicaments par la commission de la transparence de la Haute Autorité de santé (HAS), étape réglementaire indispensable avant le déremboursement éventuel.
En pratique, ce décret permet à la commission de la transparence de la HAS de se saisir officiellement. De fait, elle ne pouvait se prononcer jusqu'à présent que sur les médicaments classiques bénéficiant d'une AMM pour une indication précise, ce qui n'est pas le cas des médicaments homéopathiques.
Régime dérogatoire
L'évaluation avait été demandée à la HAS en août 2018, après notamment la vive polémique soulevée par une tribune contre les « fake médecines », ciblant principalement l'homéopathie et signée par 124 praticiens.
Aujourd'hui, si la grande majorité de ces médicaments sont vendus sans ordonnance et ne sont pas remboursés, une partie d'entre eux est prise en charge sur prescription à hauteur de 30 % par l'assurance-maladie.
Depuis les années 60, ces produits bénéficient d'un statut et d'un régime dérogatoire. Dans un avis rendu en juillet 2018, la HAS elle-même s'était étonnée « du maintien du taux de remboursement à 30 % des médicaments homéopathiques à nom commun compte tenu du taux de remboursement à 30 %, voire 15 % de médicaments ayant fait la preuve de leur efficacité ».
Cinq critères d'évaluation dont l'efficacité
Selon le décret, les médicaments homéopathiques pourront « faire l'objet d'une évaluation d'ensemble ou être regroupés en catégorie homogène ».
L'appréciation du bien-fondé de la prise en charge de ces médicaments devra prendre en compte cinq critères : l'efficacité des médicaments concernés, leurs effets indésirables, leur place dans la stratégie thérapeutique, notamment au regard des autres thérapies disponibles, la gravité des affections auxquelles ils sont destinés et leur intérêt pour la santé publique.
Ces critères sont très proches de ceux prévus pour déterminer le service médical rendu (SMR) des médicaments classiques : l'efficacité et les effets indésirables, la place dans la stratégie thérapeutique (notamment au regard des autres thérapies disponibles), l'existence d’alternatives thérapeutiques et l'intérêt pour la santé publique.
10 jours pour contester
Une fois l'évaluation ou la réévaluation effectuée, la commission de la transparence peut rendre « un avis global commun » à l'ensemble des médicaments homéopathiques ou, là encore, « à un ensemble d'entre eux regroupés par catégorie homogène, « le cas échéant en fonction de situations thérapeutiques ».
Une fois l'avis rendu, les laboratoires concernés disposeront d'un délai de 10 jours pour adresser les observations écrites ou à être entendus (audition intervenant dans un délai maximal de 45 jours). Les médicaments homéopathiques concernés sont alors « inscrits, maintenus ou radiés » de la liste des médicaments remboursables.
Le décret énumère les cas d'exclusion du remboursement : absence d'enregistrement par l'ANSM ; bien-fondé de la prise en charge non établi ; médicaments dont le conditionnement, l'étiquetage ou la publicité auprès des professionnels de santé font mention d'une utilisation non thérapeutique ; ceux susceptibles d'entraîner des hausses de consommation ou des dépenses injustifiées et ceux ne respectant pas les lois de publicité en vigueur ; ceux dont le prix ne serait pas justifié eu égard de l'amélioration thérapeutique qu'ils apportent et ceux dont les formes, dosage ou présentation ne sont pas justifiés par l'utilisation thérapeutique.
Buzyn hausse le ton
La décision finale reviendra au ministère de la Santé. Dans un entretien au « Quotidien » publié ce lundi, la ministre de la Santé se montre très claire. « S'il s'avère qu'ils ne sont pas efficaces, je prendrai la décision de les dérembourser car ce n'est pas à la solidarité nationale de payer pour des thérapies sans effets scientifiquement prouvés ».
Pour le Dr Christine Bertin-Belot, vice-présidente du Syndicat national des médecins homéopathes français (SNMHF), cette procédure ne tient pas compte de la particularité de l'homéopathie. « Ces médicaments ne fonctionnent pas par classe thérapeutique. Dans la pratique, le médicament est prescrit pour un ensemble de symptômes différents et répond à de nombreuses classes thérapeutiques. Ce n'est pas possible de les évaluer en les regroupant par classe homogène, cela n'existe pas », explique-t-elle.
Selon la HAS citée par l'AFP, l'avis de la commission devrait intervenir « à la fin du printemps ».
Mis à jour le 26 juin 2019
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