Motif fréquent de consultation
La constipation est une cause fréquente de consultation pédiatrique mais aussi un diagnostic fréquemment posé, dans les services d’urgences, lors de consultations pour douleurs abdominales. Le médecin généraliste ne sait-il pas la prendre en charge ou le diagnostic est-il surestimé chez les enfants vus aux urgences ? Si l’augmentation de cette pathologie est incertaine, une chose est sûre : la constipation reste globalement insuffisamment prise en compte et le spécialiste de plus en plus souvent confronté à une situation anciennement installée, requérant un traitement de longue durée.
On parle souvent de constipation quand un nourrisson pleure lors d’un effort de défécation ou chez l’enfant plus grand qui consulte aux urgences pour douleurs abdominales. Ce diagnostic paraît parfois surestimé. Pourquoi n’était il auparavant pas source d’autant de préoccupations ?
S’agit-il d’un défaut de diagnostic d’un colon trop long familial, d’un fait de société ou la faute de l’école dont les toilettes sont sales ? De nombreux biais rendent difficiles la comparaison d’études permettant d’affirmer que la fréquence de cette pathologie s’accroît mais plusieurs facteurs favorisants ou associés laissent penser que l’évolution des modes de vie y contribue. La fréquence des selles varie avec l’âge car le colon devient plus efficace ; de ce fait un nourrisson peut être constipé avec une selle dure par jour alors qu’un enfant plus âgé émettant une selle normale tous les deux jours ne l’est pas.
Le médecin peut, à partir d’une sémiologie simple mais rigoureuse, reconnaître la constipation et affirmer son caractère fonctionnel évitant de multiplier les investigations inutiles. Pour cela il doit savoir éliminer les rares causes organiques par quelques questions et un bon examen clinique. La très grande majorité de ces constipations organiques ont en commun de débuter dès la naissance avec en général retard d’émission du méconium, C’est une donnée d’interrogatoire indispensable. La moins exceptionnelle est la maladie de Hirschsprung, constipation à rectum vide. D’autres anomalies organiques encore plus rares peuvent être responsables d’une constipation secondaire : compression pelvienne par une tumeur (sacro coccygienne) ou pathologie neurologique évolutive (tumeur médullaire) mais seront reconnues du fait des éléments sémiologiques associés
Constipation fonctionnelle
Dans tous les autres cas, il s’agit d’une pathologie purement fonctionnelle, l’enfant ayant pris l’habitude de se retenir par appréhension. L’examen est normal ou permet de palper des selles en rétention. L’anus est plein et la constipation a débuté secondairement même si elle est annoncée comme existant depuis toujours, ou ayant débuté très tôt ; on ne peine pas en effet à faire préciser que le bébé faisait spontanément dans la couche et que depuis plusieurs semaines ou mois après des pleurs ou une selle dure on a pris l’habitude de déclencher les selles par une manœuvre anale, pour faciliter l’exonération, souvent à l’occasion d’un changement d’habitude ou de rythme de vie (mise en collectivité, intervention chirurgicale, changement du cadre de vie, vacances). Le cercle vicieux de la crainte et de la dépendance partagées ayant été amorcé ; l’enfant n’a de selle que sur stimuli et développe parfois une hypertonie sphinctérienne ; la mère redoute la rétention, le stress gagne la famille et tout le monde s’en mêle et s’emmêle dans des conseils contradictoires.
C’est une constipation fonctionnelle le plus souvent terminale car l’enfant se retient de déféquer Pourquoi ? C’est ce qu’il faut expliquer à l’enfant et ses parents. Physiologiquement c’est au moment où la selle arrive dans le rectum et le distend qu’elle permet le réflexe de relaxation des sphincters. En situation d’exonérer, chez le bébé, il n’y a pas de problème. Ensuite l’enfant apprend à se retenir pour être propre ou le fait par appréhension, douleur ou souvenir d’un événement ressenti comme pénible. Les selles s’accumulent, dilatant le rectum dont la sensibilité s’émousse et les selles distendent le rectum puis le colon d’où ces « gros colons » annoncés familiaux ou cause du problème alors qu’ils sont la conséquence de mauvaise hygiène de vie.
Leçon de choses
C’est ce qu’il convient de revoir en expliquant « comment ça marche ». Normalement au début des repas, le rectum est vide et les selles, propulsées par le péristaltisme colique (lui-même lié au réflexe gastrocolique), s’accumulent dans le sigmoïde qui à un certain degré de tension par disparition de l’angle rectosigmoïdien permet la descente des selles dans le rectum. Une poussée abdominale par contraction des muscles de la paroi peut renforcer l’action du rectum mais suppose un relâchement du sphincter donc une bonne position de l’enfant, faute de quoi le périnée sera contracté. La défécation nécessite une position propice au relâchement sphinctérien ; un enfant trop grand assis sur un pot ne peut relâcher ses sphincters Il sera plus confortable assis sur un siège de toilette adulte en s’assurant que ses pieds ne soient pas dans le vide car même assis sur un réducteur, s’il a les jambes dans le vide, il serre le périnée en contractant ses muscles abdominaux. Aménager le confort des toilettes et un appui pour les membres inférieurs sera propice à la capacité de relaxation. Un enfant ayant peu de musculature abdominale ou une hypotonie globale aura plus de difficultés.
La notion de rythme
Ce temps d’explication doit aussi aborder la notion de rythme. Se présenter aux toilettes quotidiennement aux mêmes horaires fait partie des bonnes habitudes à inculquer y compris en l’absence de sensation dans la phase d’éducation et de rééducation, mais sans en faire un drame s’il n’aboutit pas ! Le moment le plus physiologique reste le matin après le lever, biberon ou repas, mais du fait du manque de disponibilité ou d’absence de collation matinale, la défécation devient pour l’enfant plus facile après le goûter pour peu que l’on favorise l’exercice physique, la marche à pieds, ou le jeu au décours de l’école. On peut apprendre à ce qu’elle se fasse régulièrement confortablement chez soi.
Cette notion mérite d’être reprise oralement voire écrite au moment de la prescription médicamenteuse. Chez l’enfant plus grand, c’est le rôle de la collectivité qui est souvent mis en avant, alors que l’habitude est perdue de se présenter régulièrement aux toilettes dans une vie rythmée par de nombreuses activités Cette hyperactivité n’est le plus souvent pas physique et vient aggraver la sédentarité et donc la perte de stimulation abdominale engendrée par l’exercice physique. Il est également nécessaire d’expliquer à la famille que pour obtenir une récupération d’un colon de calibre normal, il faut « traiter » longtemps et avec efficacité comme il est indispensable de dédramatiser et de faire disparaître les craintes de dépendance du traitement ou d’occlusion.
Parler des complications redoutées
Les complications redoutées ne sont pas celles qui sont le plus ennuyeuses et il faut prendre le temps d’en parler en les citant. Les proches de l’enfant constipé redoutent l’occlusion. Il faut expliquer, pour en finir avec cette crainte, que l’occlusion est un arrêt des matières et des gaz alors que le constipé a des gaz, témoins du fait qu’il n’est pas occlus. Certaines complications marquent un tournant dans l’évolution en l’aggravant car induisent la peur de la douleur ; c’est en particulier les cas du saignement par fissure ou de l’extraction du fécalome. Le fécalome est également un événement vécu par l’enfant et sa famille comme un traumatisme. Cette impaction de matière desséchée volumineuse qui stagne dans le pelvis, et devient du fait de sa taille et de sa dureté impossible à évacuer ou au prix de douleurs anales et risque de fissure, doit être recherché avant de décider du choix thérapeutique. Il fait le lit de l’encoprésie ou de la fausse diarrhée d’où l’intérêt de les prévenir par un traitement débuté tôt c’est-à-dire en repérant le changement du nombre et d’aspect des selles. Les douleurs abdominales secondaires à la constipation sont déclenchées par le repas (réflexe gastrocolique) ou l’exercice physique et soulagées par l’émission de gaz mais la fréquence de la constipation et celle des douleurs abdominales rendent compte du risque que ces deux événements soient associés sans être liés et les autres étiologies ne doivent pas être occultées même si ces douleurs semblent soulagées par un lavement qui va calmer l’enfant ce qui n’a aucune valeur spécifique.
Des questions adaptées
C’est souvent en interrogeant l’enfant lui-même sur ses selles par des questions adaptées à son âge (besoin d’aller faire n’aboutissant à aucune défécation, petite selle dure ne soulageant que peu l’enfant.) qu’on rectifie le diagnostic, identifiant la constipation que la maman ignore et dont elle s’étonne, voir culpabilise (on lui dira alors qu’il est normal qu’elle ne surveille plus à cet âge les selles de son enfant) ou cherchant une étiologie à une fièvre, un réveil nocturne, des vomissements, un amaigrissement qui ne peuvent être rattachées à la constipation même si elle est confirmée Rappelons que la rétention de selles ou l’anite favorisent aussi les infections urinaires de la petite fille. De même les difficultés de l’examen abdominal d’un enfant obèse malgré la fréquence de la constipation dans cette population doivent accroître la vigilance de l’examinateur.
Examiner l’enfant et faire décrire les selles est donc un temps essentiel qu’il faut consacrer à l’enfant et ceux qui l’accompagnent, temps plus utile au diagnostic qu’une radiographie montrant des matières dans le cadre colique ou une échographie abdominopelvienne, et permet de restituer la place très limitée des examens complémentaires tant attendus par la famille qui vient consulter le spécialiste parce que ses intestins sont trop « longs » ou « paresseux ».
Pas de conflit d’intérêt déclaré.
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