La douleur à l'heure de la médecine fondée sur des preuves

Publié le 15/03/2001
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C OMME l'explique le Pr Claire Lejeune (Paris), « l'Evidence Based Medicine (médecine fondée sur les preuves) est une démarche méthodique et raisonnée qui permet d'adapter ses connaissances en prenant en compte les dernières avancées diagnostiques et thérapeutiques ».

Après avoir judicieusement rappelé que cette démarche est née au Canada dans les années quatre-vingt, en s'intitulant d'abord « Experience Based Medicine », elle a aussitôt ajouté qu'elle procède en fait par niveaux de preuve (elle n'est donc pas obligatoirement « évidente »). Elle ne peut pas offrir « d'éléments de réponse pour toutes les situations cliniques et toutes les pathologies ». Elle impose de savoir se retrouver dans un « flot d'informations quasi ininterrompu », lui-même possible grâce à Internet.
Elle nécessite de poser les bons problèmes et, par exemple, de se référer aux études qui y répondent le mieux. Exemple présenté par le Dr Boureau (Paris) : une étude en cours de publication a établi, chez 222 patients, que l'ibuprofène 400 mg a un effet antalgique significativement plus important que celui du paracétamol 1 000 mg, aussi bien en prise unique que sur une durée de deux semaines, dans le traitement des douleurs de la gonarthrose et de la coxarthrose. L'évaluation fonctionnelle, mesurée par l'indice de Womac, donne également l'avantage à l'ibuprofène. Sur le plan de la tolérance, les deux médicaments sont équivalents.

Les difficiles études de tolérance

Les études de tolérance, a souligné le Pr Moore (Bordeaux), « sont difficiles à conduire, parce qu'elles nécessitent un nombre élevé de patients ». La PAIN Study a inclus 8 677 malades recrutés par 1 108 médecins en pratique « réelle », pour comparer aspirine, ibuprofène et paracétamol en traitement antalgique de courte durée (de un à sept jours). Fait notable, les effets indésirables retenus étaient ceux qui étaient déclarés par les patients ; leur nombre est supérieur d'un tiers à celui qui était noté par les médecins... Le taux d'événements indésirables, y compris digestifs, est équivalent dans les groupes ibuprofène et paracétamol et plus élevé dans le groupe aspirine.
De plus, des facteurs prédictifs ont été identifiés. On en retiendra la nature de l'indication (le risque est supérieur en cas de douleurs arthrosiques par rapport aux douleurs prémenstruelles ou à celles d'une angine) et la polymédication. L'âge n'est pas un facteur en lui-même. En clair, « le taux d'événements indésirables augmente avec l'âge parce que la polymédication augmente aussi avec l'âge ».

La formation médicale progresse

Résumant les évolutions récentes, le Pr Serrie (Paris) a constaté que « la douleur devient un paramètre comme les autres », de mieux en mieux intégré à la pratique médicale, même s'il reste encore des problèmes à résoudre. Ainsi, il est fréquemment remarqué que les infirmières sont mieux formées à sa prise en charge que des médecins, parce qu'elles ont reçu une formation harmonisée dans toutes les écoles. La formation médicale progresse cependant, avec en particulier l'obligation d'une question sur la douleur à l'internat ou la création d'un module « douleur, accompagnement et soins palliatifs » dans la nouvelle réforme des études médicales. Avancée importante, la sensibilisation et la motivation des acteurs de santé publique, y compris dans les administrations, progressent fortement. Ces évolutions autorisent la mise en place prochaine d'une nomenclature consensuelle entre ministère, CNAM et sociétés savantes. Personne ne niera qu'un vocabulaire commun est indispensable pour s'orienter dans des problèmes communs.

Paris. Forum de la Douleur. Conférence de presse Boots Healthcare.

Dr Serge CANNASSE

Source : lequotidiendumedecin.fr: 6878