ARTS
PAR JEAN-JACQUES LEVEQUE
L ES années qui suivent la Libération connaissent les soubresauts d'une culture encore profondément attachée à l'avant-guerre. C'est comme une réponse aux questions restées en suspend en raison des événements. L'art s'enflamme pour l'abstraction, ses courants divers, la figuration trébuche sur ses complexes d'académisme. En dix ans à peine, l'abstraction elle aussi s'académise et l'Amérique qui supporte mal d'avoir été si longtemps à la remorque de l'Europe, s'agite et propulse des entreprises artistiques alors révolutionnaires dans la forme et le fond. Il n'est pas jusqu'à la vénérable Angleterre qui secoue avec violence les derniers avatars de l'ère victorienne.
Paris est au diapason de cette crise, et c'est une véritable explosion qui traverse les années soixante, balisant un tout nouveau territoire où l'image revient, mais dopée par la télévision, la publicité, les arts graphiques alors en pleine évolution, et c'est une imagerie d'inspiration populaire qui va s'organiser, se structurer, chaque artiste explorant un aspect, nourrissant sa peinture de toutes les références du monde le plus immédiat. C'est une crise plus qu'une culture, une fièvre qui bouscule les idées reçues, rejette les artistes pratiquant la peinture de chevalet aux oubliettes de l'Histoire.
On évoquera le dadaïsme, lui-même réaction forcenée contre un héritage jugé trop lourd, et la mort célébrée de la peinture passe par le règne de l'objet, la vénération portée à Marcel Duchamp, la récupération des déchets de la société, car, « pop-art » et « nouveau réalisme » se côtoient, l'un engendrant l'autre, comme les deux facettes d'une contestation générale de la peinture de chevalet.
Avant même que la philosophie écologique gagne le terrain qui conduit à la politique, le pop-art s'est résolument attaché à la dénonciation de la société de consommation, jouant d'ailleurs un rôle ambigu. La célébrant ici, la dénigrant là, et, finalement offrant une iconologie qui épuise ses propres effets, banalise ses attaques, et tend à l'esthétisme, retrouvant le paradoxe de « dada » qui, à force de secouer le mât de cocagne de la civilisation occidentale, se retrouve dans le camp des artistes en mal d'inspiration. A moins que le choix soit celui de la surenchère. Il a surtout été celui d'un certain conformisme vis-à-vis d'une imagerie qui colle si étroitement au discours ambiant, celui de la consommation, que l'art qui en est porteur devient à son tour un art de consommation courante. Son succès l'a étouffé.
L'exposition du Centre Beaubourg fait un large état d'une production qui aujourd'hui s'est figée dans ses propres critères, chassant la peinture de son territoire, et retrouvant ses terres d'origine, la publicité, les clips musicaux. Le pop-art dans un musée, trois petits tours et puis s'en vont.
« Les Années pop », centre Pompidou, jusqu'au 18 juin.
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